La liberté de la presse moribonde au Pakistan : RSF appelle à des garanties claires du droit à l'information à la veille des élections

Alors que les élections générales doivent se tenir le 8 février, la liberté de la presse au Pakistan est sous une chape de plomb. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des entraves inacceptables à la liberté de la presse et demande que des garanties soient prises pour la sécurité des journalistes dans un contexte de tension.

Les élections générales se déroulent au Pakistan le 8 février dans un contexte très tendu, à l’image de toute la période de campagne électorale. Des pressions sans précédent ciblent depuis des mois les journalistes et les médias, qui font face, en outre, à une multiplication de législations menaçant la liberté de la presse.

Une dizaine de reporters ont été brutalisés par des forces de l’ordre ou par des partisans de partis politiques lors de couvertures de différents rassemblements de campagne. Les principaux médias ont reçu l’ordre officieux de ne pas évoquer dans leurs colonnes le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI), parti de l’ancien Premier ministre Imran Khan. Évincé par une motion de censure, ce dernier est emprisonné depuis août 2023, et a été condamné dans trois affaires. Les médias ont pour consigne de ne pas même mentionner son nom.

Mi-janvier, l’Agence fédérale d'investigation du Pakistan (Federal Investigation Agency ou FIA) a également notifié des avis de convocation à une quarantaine de personnes, dont des journalistes et des YouTubers, pour avoir prétendument diffamé des juges sur les médias sociaux après une décision de la Cour suprême confirmant la décision de la Commission électorale de priver le PTI de son emblème, la batte de cricket.

"La situation de la liberté de la presse est dramatique au Pakistan où la démocratie est minée par les interférences politiques de la toute puissante armée. Les médias sont soumis à des pressions inacceptables pour empêcher une couverture plurielle et indépendante. Ils sont sommés de ne pas couvrir un parti politique, de ne pas aborder nombre de sujets notamment liés à l'armée ou aux exactions des agences de renseignement – comme la disparition forcée de milliers de citoyens pakistanais. RSF condamne ces atteintes au droit à l’information et appelle les autorités à garantir la protection des reporters et leur liberté de couvrir ces élections sans restrictions.

Le bureau Asie du Sud
Reporters sans frontières

En septembre 2023, RSF avait lancé, aux côtés de son partenaire local Freedom Network, des principaux clubs de presse du pays et des syndicats de journalistes,  un appel aux partis politiques pakistanais afin qu’ils s’engagent à prendre des mesures concrètes en faveur de la liberté de la presse. L’appel collectif demandait aux partis de soutenir la liberté de la presse, le droit à une information fiable, et la fin de l’impunité pour les crimes contre les professionnels de l’information, dans un pays où 96 % des assassinats de journalistes n’ont fait l’objet d’aucune condamnation au cours de ces dix dernières années, selon Freedom Network.

Dans leurs manifestes publiés au cours des dernières semaines, les principaux partis ont proposé des mesures plus ou moins fortes concernant les médias, le PTI étant le plus exhaustif avec sept pages de mesures proposées, tandis que la Pakistan Muslim League-N (PML-N) n’a formulé aucune proposition en faveur de la liberté de la presse.

Parmi les propositions faites, le Pakistan People's Party (PPP) s’engage à réviser la loi PECA de 2016, tout comme l’Awami National Party (ANP) afin de “mettre fin à la suppression de la liberté d'expression et d'information”. Le PTI, quant à lui, promet, entre autres, la création d'une autorité indépendante de régulation des médias et une législation qui protège explicitement les droits des journalistes et des médias contre toute influence indue et tout harcèlement. Le Muttahida Qaumi Movement (MQM-P) s'engage lui à ce que les autorités de régulation des médias soient libres de tout contrôle gouvernemental.

En ce qui concerne la protection des journalistes et la lutte contre l’impunité des crimes commis contre eux, la PML-N, notamment, promet la création d'une commission de sécurité et de sûreté pour la protection des journalistes. Le PTI s'engage, lui, à protéger les journalistes par des garanties législatives, et le MQM promet de rendre justice aux familles des journalistes assassinés et de mettre fin à la culture de l'impunité.

Ces promesses devront toutefois enfin être transformées en actes, une fois le le nouveau gouvernement en place – dans un pays où la liberté de la presse a été maintes fois bafouée.

Le Pakistan occupe la 150e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2023 par RSF.

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