Le célèbre caricaturiste malaisien Zunar à nouveau accusé de sédition
A cause d’un dessin critique à l’égard d’un dirigeant politique, le caricaturiste Zunar risque une nouvelle fois des poursuites judiciaires. Reporters sans frontières (RSF) demande à la police de ne pas donner suite à la plainte qui le vise et appelle les autorités à cesser d’utiliser la loi sur la sédition pour faire taire les voix critiques du pouvoir.
Pour un coup de crayon, il risque trois ans de prison. Le caricaturiste Zulkiflee Anwar Alhaque, connu sous le nom de Zunar, a été visé, ce 25 janvier, par une plainte déposée à la demande de l’entourage du Premier ministre de l’Etat du Kedah, situé dans le nord-est du pays. En cause, un dessin publié au matin sur son compte Twitter critiquant la décision du dirigeant d’annuler les festivités du Thaipusam, une fête religieuse hindoue normalement célébrée fin janvier par la communauté tamoule.
Cette caricature montre le Premier ministre en train de donner un coup de hachoir, sur lequel est indiqué “Pas de Thaipusam”, sur une table autour de laquelle sont installés des représentants des différentes ethnies de Malaisie. Au-dessus d’eux, une bulle affirme : “Les habitants du Kedah vivaient en paix avant qu’il ne soit là.”
Jugeant ce dessin “calomnieux”, le président de la section des jeunes du Parti malaysien islamique, soutien du dirigeant du Kedah, a porté plainte pour, selon ses dires, “donner une leçon à tous ceux qui croient que tout peut être politisé de manière arbitraire”. Il accuse Zunar d’avoir violé la loi sur la sédition qui condamne les tentatives de “susciter la haine, le mépris ou le mécontentement contre tout dirigeant ou gouvernement”. Contacté par RSF, le caricaturiste avoue craindre un appel ou une visite de la police d’un jour à l’autre.
Symbole
“Il est intolérable qu’un caricaturiste soit poursuivi en justice au seul motif qu’un dessin a déplu, déclare le responsable du Bureau Asie-Pacifique de RSF, Daniel Bastard. Le droit à la critique est l’essence même de la caricature. Nous demandons à la police de ne pas donner suite à cette plainte ridicule contre Zunar. Les dirigeants malaisiens doivent cesser d’instrumentaliser la loi sur la sédition pour étouffer la liberté d’expression.”
Le caricaturiste, lauréat du prix Cartooning for Peace en 2016, est devenu un symbole de la liberté de la presse dans le pays. Les autorités malaisiennes ont maintes fois recouru à la loi sur la sédition, ce qui lui a valu la prison en 2010 et en 2015. En 2016, toujours au motif de cette loi, il a été arrêté pour des dessins dénonçant la corruption au sein du gouvernement. Quelques jours plus tard, lors d’une vente de livres, la police l’a à nouveau arrêté et lui a confisqué plus de 16 000 euros de matériel.
La Malaisie occupe la 101e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2020. Sa progression de 22 places par rapport à 2019 pourrait être remise en cause par l’actuel durcissement du régime.