La Roumanie peut s’enorgueillir d’un paysage médiatique diversifié et relativement pluraliste, constituant un terrain fertile pour des enquêtes d’intérêt public percutantes. Toutefois, le manque de transparence sur le financement des médias, en particulier en ce qui concerne les fonds publics, ainsi que les difficultés du marché ébranlent la fiabilité de l’information et la confiance dans les médias.
Paysage médiatique
De grands groupes européens (Ringier, PPT Group ou Dogan Media International) sont présents sur le marché aux côtés des grands et petits acteurs locaux (Intact Media Group, RCS&RDS, Hotnews, G4Media, Recorder, Rise Project ou PressOne). Le marché est diversifié, mais aussi fragmenté, avec un nombre élevé de chaînes dont la soutenabilité est fragile. Les choix éditoriaux sont souvent subordonnés aux intérêts des propriétaires, transformant la presse en instrument de propagande.
Contexte politique
Les médias en Roumanie manquent d’indépendance et sont victimes de tentatives d’ingérence, notamment lors de la nomination des dirigeants de la radio et de la télévision publiques, mais aussi du Conseil national de l'audiovisuel. Les partis politiques peuvent obtenir une couverture médiatique favorable grâce au financement opaque de médias. Le discours politique agressif à l'endroit des journalistes a été repris par des responsables politiques populistes.
Cadre légal
La législation en matière de protection de la liberté d’expression et de la presse est insuffisamment appliquée, bien qu’elle soit alignée sur les normes européennes, y compris au niveau constitutionnel. L'ingérence des procureurs dans le travail journalistique s'apparente à du harcèlement et suscite de vives inquiétudes, alors que la justice tente, de plus en plus souvent, de pousser les médias à révéler leurs sources. Les poursuites abusives (SLAPP) se sont multipliées, tandis que les décisions de justice ne respectent pas toujours les normes de la liberté de la presse.
Contexte économique
Les mécanismes de financement des médias sont souvent opaques, voire corrompus. Si les plus grandes sociétés médiatiques parviennent à être économiquement viables, la majorité d'entre elles dépendent de sources de financement extérieures, dont les subventions. La pratique largement répandue du détournement de fonds vers les médias, d’une manière non transparente, fausse à la fois le marché et la mission de contrôle du pouvoir par la presse. Par ailleurs, la nouvelle stratégie commerciale du groupe Ringier en Roumanie a suscité des inquiétudes sur l’indépendance éditoriale en 2023, lorsque plusieurs rédacteurs en chef ont été contraints de quitter ses médias.
Contexte socioculturel
Le journalisme d’intérêt public s’est retrouvé confronté à la concurrence de récits trompeurs et de “fake news” de la part de certains médias et politiciens, en particulier dans le contexte de la pandémie de Covid-19 et, plus récemment, de la guerre en Ukraine. Certains groupes de population tendent à se fier à ces fausses informations, qui convergent parfois avec la propagande russe et alimentent leur méfiance envers les médias.
Sécurité
La sécurité des journalistes reste un sujet de préoccupation : ils sont souvent la cible d’attaques, de menaces et d’intimidation. Dans le cas emblématique de harcèlement et de campagne de dénigrement de la journaliste Emilia Sercan, non seulement les autorités ont échoué à rendre justice, mais de surcroît, elles sont suspectées d’être complices. La surveillance demeure également problématique, avec les services de renseignement qui tentent d’obtenir davantage de pouvoir et d’influence dans le contexte de la guerre en Ukraine et d’autres conflits internationaux.