Malaisie : RSF dénonce la décision judiciaire contre la journaliste britannique Clare Rewcastle Brown visant à la réduire au silence
La plus haute juridiction de Malaisie a rejeté la demande de Clare Rewcastle Brown de faire appel d'une décision de la Cour d'appel qui l'avait déclarée coupable de diffamation. Une condamnation qui lui coûtera quelque 435 000 ringgits (soit près de 91 000 euros). Reporters sans frontières (RSF) condamne la gestion par la Malaisie de cette affaire dont l'objectif est d'intimider les journalistes dénonçant la corruption.
Clare Rewcastle Brown est connue notamment pour avoir révélé l'un des plus grands scandales financiers de l'histoire de la Malaisie, connu sous le nom de 1MDB – du nom du fonds souverain malaisien. Depuis, elle fait l'objet de poursuites pénales et civiles qui l'accusent d'avoir diffamé la sultane de Terengganu, l'épouse d'une personnalité politique de premier plan, dans un livre publié en 2018. En février 2024, Clare Rewcastle Brown a été condamnée par contumace à deux ans de prison, une affaire dont elle cherche toujours à faire appel.
Dans l'affaire civile parallèle, la Haute Cour a estimé en octobre 2022 qu'il n'y avait pas eu de diffamation, mais cette décision a été annulée en décembre 2023. Le 10 septembre, la Cour fédérale de Malaisie a refusé d'autoriser Clare Rewcastle Brown à interjeter appel, fermant ainsi la voie à une nouvelle contestation judiciaire.
Une fois de plus, un procès abusif est utilisé pour punir Clare Rewcastle Brown pour son courageux et important reportage d'intérêt public. Cette affaire n'aurait jamais dû être portée devant les tribunaux. Les accusations de diffamation sont absurdes : l'objectif sous-jacent semble être de faire taire Clare Rewcastle Brown et de dissuader d'autres journalistes malaisiens d'enquêter sur la corruption. Nous demandons aux autorités malaisiennes de cesser de harceler les journalistes et au gouvernement britannique de dénoncer cette poursuite choquante de l'une de ses citoyennes.
Les poursuites concernent une ligne du livre de Clare Rewcastle Brown sur 1MDB, dans laquelle elle a incorrectement déclaré que l'épouse du sultan – il s’agissait en fait de la sœur du sultan – était amie avec un homme d'affaires impliqué dans le scandale. Nulle part, il n’était suggéré que l'une ou l'autre de ces femmes puisse être liée à des faits de corruption et Clare Rewcastle Brown, reconnaissant l'erreur, avait rapidement publié un rectificatif.
La décision de la Cour fédérale signifie que Clare Rewcastle Brown, qui est rédactrice en chef du site d'information en ligne Sarawak Report, et ses coaccusés – un éditeur et un imprimeur locaux – devront verser à la sultane des dommages-intérêts de l’ordre de 300 000 ringgits (environ 62 700 euros) et des frais de 135 000 ringgits (28 000 GBP), auxquels devraient s'ajouteront d'autres frais.
Dans le cadre de l'affaire pénale, Clare Rewcastle Brown a été empêchée de se défendre correctement. Mais le gouvernement britannique n'a pas commenté publiquement son cas, malgré les abus de droit évidents.
La démocratie dynamique de l'Asie du Sud-Est que constitue la Malaisie a connu une forte instabilité politique ces dernières années. Les autorités continuent d'intenter des procès en diffamation contre les journalistes et défenseurs de la liberté de la presse dans le but de les intimider, et bloquent régulièrement les sites d'information critiques du gouvernement.
En réponse à la chute de la Malaisie au 107e rang sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de RSF, alors que le pays était 73e l’année précédente, le ministre des Communications Fahmi Fadzil a promis la semaine dernière de “mettre en place des efforts durables” pour améliorer la liberté de la presse, un engagement que RSF a proposé d'accompagner et de soutenir.
Le Royaume-Uni est classé 23e dans l’Index RSF.