Un journaliste d’investigation brésilien visé par 59 procédures judiciaires
Suite à son enquête et ses publications sur un système de fraude dans le mécanisme d’évaluation de l’enseignement public dans l'État du Ceará, dans le nord-est du pays , le journaliste brésilien Wellington Macedo fait l’objet de 59 plaintes pour diffamation. RSF dénonce un acharnement des autorités publiques.
C’est une audience un peu particulière qui aura lieu le 19 février prochain dans l’enceinte du tribunal de justice de la municipalité de Sobral, dans l'État du Ceará. Le journaliste indépendant Wellington Macedo, collaborateur du journal Folha de São Paulo, de la revue ISTOÉ, mais aussi d’Agência Estado et FuturaPress, va répondre simultanément à 59 plaintes pour diffamation, déposées par des directrices et directeurs d’écoles municipales de la région. Ces plaintes ont été enregistrées entre le 19 et le 27 septembre 2018, suite à une série de reportages, intitulée “Educação do Mal”, publiée sur la chaîne Youtube du journaliste, entre août et septembre 2018.
Dans ces reportages, Wellington Macedo révèle l’existence de fraudes dans le système d’évaluation de l’enseignement public de la municipalité, considéré comme l’un des meilleurs du pays et régulièrement mis en avant par la classe politique locale comme un modèle à suivre, les écoles de Sobral étant parmi les mieux classés du Brésil ces dernières années.
Le caractère concerté et coordonné de ces plaintes laisse à penser qu’il s’agit de représailles de la part du gouvernement local: un seul et même avocat représente l’ensemble des plaignants, et n’est autre que le conseiller juridique du département d’éducation de la municipalité. Chaque plainte est assortie d’une demande d’indemnisation pour préjudice moral de R$ 38 160, soit un total de R$ 2 251 440 (plus de 530 000 €).
“Reporters sans frontières dénonce l’acharnement des autorités de Sobral contre le journaliste Wellington Macedo, déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique latine de l’organisation. Le caractère concerté de ces plaintes et le montant totalement disproportionné des demandes d'indemnisation s’apparentent à une véritable campagne de d’intimidation et de déstabilisation pour réduire le journaliste au silence. Il s’agit d’une lourde entrave à la liberté d’informer, sur un sujet d’intérêt public majeur”
Dans la série Educação do Mal, Wellington Macedo réalise plusieurs interviews avec des élèves et professeurs de la municipalité qui affirment avoir participé à de faux tests afin d’améliorer la note globale des écoles dans les examens nationaux d’évaluation de la qualité de l’enseignement.
Le plaintes pour diffamation sont régulièrement utilisées par les autorités publiques brésiliennes pour intimider les journalistes. En 2016, 35 magistrats et deux procureurs ont déposé 37 plaintes contre les journalistes du quotidien Gazeta do Povo après une série de reportages sur les salaires excessifs du pouvoir judiciaire dans l’état du Parana. Fin 2016, les journalistes Francisco Costa et Josi Gonçalves étaient eux aussi visés par des procédures abusives dans l’Etat du Rio Grande do Norte, après avoir publié des révélations sur des affaire de corruption.
Le Brésil occupe la 102e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 de RSF.