Sur la stèle 2021 du Mémorial des reporters de Bayeux, 53 noms de journalistes tués
Le président de Reporters sans frontières (RSF), Pierre Haski, a dévoilé la stèle 2021 du Mémorial des reporters de guerre, en présence du président de la 28e édition du prix Bayeux-Calvados-Normandie des correspondants de guerre et des proches des journalistes tués dans l'exercice de leur métier.
Cinquante-trois nouveaux noms de journalistes ont été dévoilés, jeudi 7 octobre, sur la stèle 2021 du Mémorial des reporters de Bayeux. “Le plus insupportable est que tous ont été tués dans l’exercice de leur fonction, a rappelé le président de RSF, Pierre Haski, lors de la cérémonie de dévoilement. La plupart ont été délibérément visés et lâchement assassinés par balles ou lors d’attentats ciblés, d’où l'urgence de faire de la lutte contre l’impunité une priorité.”
Dans son allocution, Pierre Haski a notamment rendu hommage aux six journalistes tués en Afghanistan, “pays martyre de notre profession”. Parmi eux, le photographe indien Danish Siddiqui, lauréat du prix Pulitzer 2018, tué alors qu’il couvrait un assaut de l’armée nationale afghane contre les Talibans le 17 juillet dernier, à l'âge de 38 ans. “Son travail était rempli d’humanité et de courage”, a rappelé le directeur international du pôle Audiovisuel de l'agence Reuters, John D. Pullman, qui a évoqué les derniers reportages du photographe en Inde et ses images de bûchers funéraires pendant la pandémie de Covid-19, qui ont fait le tour du monde.
Un émouvant hommage au journalisme de terrain a également été rendu par l’épouse du journaliste espagnol David Beirain, tué avec son collègue Roberto Fraile alors qu’ils étaient en reportage avec une patrouille anti-braconnage au Burkina Faso, en avril dernier. Rosaura Beirain a dressé le portrait de “deux âmes amoureuses du journalisme, d’un duo inséparable, qui a réalisé une demi-centaine de documentaires” et des enquêtes très remarqués, et a évoqué la “perte irréparable” que leur mort représentait “pour le journalisme le plus actif et le plus honnête, celui qui va sur le terrain, qui se salit avec de la boue sur les chaussures et qui essaie de comprendre de près la complexité de la réalité”.
Cette année, aucune région du monde n’a été épargnée : les journalistes dont les noms ont été gravés sur le marbre blanc sont aussi bien originaires du Moyen-Orient, d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Afrique que d’Europe, pourtant considérée comme la région la moins dangereuse au monde pour les journalistes. Deux journalistes spécialistes d’affaires criminelles ont été assassinés en plein jour : le Grec Giorgos Karaïvaz et le Néerlandais, Peter R. de Vries. “Fidèle à l’adage ‘mieux vaut mourir debout que de vivre à genoux’, Peter R. de Vries fut assassiné alors qu’il regagnait sa voiture après son émission, en plein jour, dans le centre de notre capitale”, a rappelé la présidente de la Dutch Association of Journalists (NVJ) Renske Heddema, qui a souligné l’importance des programmes de protection des journalistes, y compris au sein de l’UE, où “des journalistes sont assassinés de sang-froid au sein d'une Union où l'État de droit devrait régner”.
Un hommage particulier a également été rendu par le président du jury de l’édition 2021 du prix Bayeux-Calvados-Normandie, Manoocher Deghati, à l’Iranien Rouhollah Zam, directeur de la chaîne Telegram Adamnews, qui a été froidement exécuté par le régime à la fin de l’année 2020. “Les journalistes font face à deux dangers : la guerre et les régimes dictatoriaux qui ne veulent pas que l’on raconte la vérité”, a notamment déclaré le photojournaliste iranien, qui a été contraint de quitter son pays d’origine au début des années 1980.
Inauguré en 2006, le Mémorial des reporters de Bayeux a été construit en partenariat avec RSF et a pour but d’honorer la mémoire des journalistes et reporters tués lors de conflits ou assassinés dans le cadre de leur travail.