Procès “Squarcini” : RSF salue la condamnation des personnes impliquées dans la surveillance et l’infiltration de la rédaction de Fakir

Le tribunal correctionnel de Paris a rendu, le vendredi 7 mars, son jugement dans le procès de l’ancien patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, soupçonné d’avoir mobilisé son réseau pour rendre des services au groupe d’entreprises LVMH. La rédaction du journal amiénois Fakir, infiltrée et surveillée entre 2013 et 2016, et son fondateur, François Ruffin, désormais député de la Somme, figurent parmi les victimes de cette vaste opération d’infiltration. Reporters sans frontières (RSF) salue la condamnation de Bernard Squarcini et de sept autres prévenus mais appelle à ce que cette affaire ne crée pas un précédent d'évitement du procès pénal via l’utilisation de la Convention Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) pour des faits aussi graves de mise en péril de la liberté d'informer. 

À l’issue d’un procès retentissant qui s’est déroulé entre le 13 et le 28 novembre 2024, le tribunal correctionnel de Paris a prononcé, le 7 mars, des peines allant de six mois à quatre ans d'emprisonnement,  partiellement assorties de sursis, et de 15 000 à 200 000 euros euros d’amende contre sept prévenus. Quant à Bernard Squarcini, ancien patron du renseignement intérieur, il est condamné à quatre ans de prison, dont deux avec sursis et 200 000 euros d’amende, en plus de la saisie de plus de 450 000 euros d'actifs. Deux relaxes ont par ailleurs été prononcées, dont l'une pour Laurent Marcadier, ancien magistrat puis directeur chargé de la protection des actifs et des personnes du Groupe LVMH, nommément cité dans la CJIP. Des peines modérées au regard des méthodes d’infiltration et de surveillance utilisées pour obtenir des contenus journalistiques, mais qui constituent tout de même une victoire pour la liberté de la presse en France. 

“La condamnation de Bernard Squarcini et de ses ‘barbouzes’ est un bon signe pour la liberté de la presse en France : infiltrer et surveiller une rédaction pour obtenir des contenus journalistiques, qui plus est au service de l’homme le plus riche de France, est un délit, jugé et sanctionné comme tel. Mais la victoire juridique a un goût amer : si le tribunal reconnaît que l’espionnage  de la rédaction du journal Fakir a été effectué au profit de LVMH, la culpabilité des commanditaires n’a pas été reconnue. L’impunité des actes commis par la société LVMH et l’emploi de méthodes douteuses à l’encontre des journalistes enquêtant sur leurs pratiques doivent cesser. Le chéquier ne saurait racheter les délits, la justice n'est pas une indulgence et le journalisme doit être défendu. 

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

RSF, auditionnée en qualité de témoin le 14 novembre, a cependant fermement condamné la dépénalisation de graves atteintes à la liberté d'informer dans cette affaire. La conclusion d'une CJIP entre la justice et LVMH moyennant une amende de 10 millions d'euros  donne lieu à un cas particulièrement grave d’impunité pour des atteintes manifestes à la liberté de la presse. Il est regrettable que les responsabilités de chacun, tout au long de la chaîne hiérarchique à laquelle appartiennent LVMH et son patron Bernard Arnault n’aient pas été mises en lumière, mais bel et bien étouffées par la CJIP. 

La loi sur la liberté de la presse (“loi de 1881”) devrait prévoir des garanties beaucoup plus strictes pour assurer la protection des journalistes et de leurs sources dans leurs enquêtes sur des sujets d’intérêt général, en ce compris des sanctions pénales dissuasives.  

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