Quel espoir pour la liberté de la presse, à la veille de la présidentielle au Honduras ?
À l’occasion de l’élection présidentielle au Honduras, qui se déroulera le 26 novembre 2017, Reporters sans frontières (RSF) fait part de sa grande préoccupation sur l’état dramatique de la liberté de la presse dans le pays.
Huit ans après le coup d’Etat du 28 juin 2009, la situation de la liberté de l’information continue de se dégrader au Honduras. Les persécutions judiciaires, les violences et les assassinats de journalistes ont durablement instauré un climat de peur et d’autocensure, renforcé pendant le mandat du président Juan Orlando Hernández. Au pouvoir depuis janvier 2014, son bilan en matière de liberté de la presse est particulièrement catastrophique.
En 2015, Juan Orlando Hernández avait obtenu que la Cour Suprême supprime de la Constitution les articles du code pénal interdisant au président d'exercer un second mandat. Ce dimanche 26 novembre, il sera donc de nouveau candidat à la présidentielle, avec une forte probabilité de l’emporter. La perspective de sa réélection est une source de préoccupation pour RSF, et l’occasion de rappeler la triste réalité du quotidien des journalistes dans le pays.
Un des pays les plus dangereux du continent pour la presse
Le Honduras fait partie des pays les plus dangereux d’Amérique latine pour la presse. Selon la Commission nationale des droits de l’homme (Conadeh) du Honduras, 70 journalistes et collaborateurs de médias ont été tués au Honduras entre janvier 2001 et août 2017. 91% de ces cas restent impunis.
Depuis janvier 2014, au moins quatre journalistes ont été assassinés en lien direct avec leur activité (source RSF). Le dernier cas en date, Carlos William Flores, journaliste pour le Canal 22, tué le 13 septembre 2017, avait suscité l’indignation de la communauté internationale. De nombreux autres professionnels des médias ont été tués au Honduras ces dernières années, mais faute d’informations fiables et de véritables investigations, la relation entre leur assassinat et leur profession reste difficile à établir.
La création d’un mécanisme national de protection des défenseurs des droits de l’Homme et des journalistes en mai 2015 n’a malheureusement pas amélioré la situation. Faute de moyens humains et financiers, de volonté politique pour enquêter sur l’origine des menaces et de manque de réactivité, ce mécanisme ne réponds toujours pas aux attentes qu’il avait suscitées. Surtout, dans un pays rongé par la corruption et l’impunité, il n’inspire que peu de confiance aux journalistes.
En mars 2017, la CIDH alertait d’ailleurs sur l’inefficacité de ce dispositif, et émettait une série de recommandations, partagées par RSF, pour améliorer ce mécanisme.
“À l’occasion de cette élection présidentielle, RSF tire la sonnette d’alarme sur l’environnement particulièrement dangereux dans lequel évoluent les journalistes honduriens, déclare Emmanuel Colombié, responsable du bureau Amérique latine de l’organisation. Le nouveau président élu, quel qu’il soit, aura la lourde responsabilité de stopper cette spirale de violence et de revaloriser le travail de la profession. Il devra pour cela faire preuve de volontarisme politique et mettre en place des actions concrètes pour renforcer durablement les mécanismes de protection et de prévention des risques, lutter contre l’impunité et mettre fin à la censure systématique des voix critiques dans le pays ”.
Censure d’état et persécutions judiciaires
L’administration de Juan Orlando Hernández tente en effet, et par tous les moyens, de contrôler l’information et de museler les voix critiques dans tout le pays. Les médias communautaires et la presse d’opposition sont particulièrement visés: accès à l’information publique limité, difficultés pour obtenir des accréditations, acharnement procédurier dissuasif, menaces, etc.
Les journalistes qui enquêtent sur l’insécurité, les violations des droits de l’homme, la corruption, le crime organisé et son infiltration dans la sphère publique sont les premiers exposés à des représailles.
Les cas du journaliste Ariel Armando D’Vicente, présentateur et directeur de la chaîne indépendante Libertad TV, condamné en 2016 à trois ans de prison pour diffamation, ou encore le procès fleuve contre le journaliste Julio Ernesto Alvarado, défendu à de nombreuses reprises par RSF, témoignent de cet acharnement des autorités contre les voix critiques. Julio Ernesto Alvarado, animateur du groupe Radio Globo y TV a été poursuivi en diffamation en 2013 puis interdit d’exercer sa profession en 2015.
Beaucoup d’autres journalistes honduriens, que RSF a pu rencontrer lors d’une mission en octobre 2017, se trouvent actuellement dans des situations très complexes et dans le collimateur du crime organisé ou d’élus corrompus. C’est par exemple le cas de Jonny Lagos, directeur du journal El Libertador, qui a échappé à une tentative d’assassinat le 26 août dernier à Tegucigalpa, de Jairo Lopez, cible d’une vaste campagne de dénigrement et au coeur d’un procès pour diffamation entaché de lourdes irrégularités, ou encore de Milthon Robles, contraint de s’exiler en Espagne depuis décembre 2016 pour fuir les menaces dont il faisait l’objet dans son pays.
Le Honduras est classé 140ème au Classement mondial de la liberté de la presse en 2017. En 2008, le pays se trouvait à la 100ème position.