PJL principes républicains : cet amendement regrettable qui fragilise les journalistes
Un amendement de la députée LREM Laetitia Avia à l’article 18 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui concerne la diffusion d’informations sur une personne dans l’intention de nuire, risque d’affaiblir les journalistes. Reporters sans frontières (RSF) demande aux députés de revenir à la version précédente du texte.
Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est examiné en séance plénière à l’Assemblée nationale depuis le 28 juin jusqu’à la fin de la semaine. L’article 18 de ce texte, qui doit encore être examiné, inscrirait dans le code pénal un article punissant de trois ans de prison la diffusion d’ “informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne” dans l'intention de l’exposer à des violences ou à une atteinte à ses biens.
En commission spéciale de l’Assemblée, la députée Laetitia Avia a proposé de modifier un amendement du Sénat à cet article 18, qui visait à assurer aux journalistes poursuivis sur la base de cet article qu'ils bénéficieront des garanties prévues par la loi sur la presse de 1881. Malheureusement, l’amendement Avia est venu affaiblir sinon anéantir ces garanties. RSF demande instamment au législateur de revenir à une rédaction plus appropriée.
De quoi s’agit-il ? Le Sénat avait précisé que “lorsque les faits reprochés résultent du contenu d’un message placé sous le contrôle d’un directeur de la publication”, autrement dit sont lorsqu’ils sont commis par un journaliste dans le cadre de ses fonctions, “le régime de responsabilité et les garanties procédurales prévues par la loi du 29 juillet 1881 (...) sont applicables.” En clair, si un contenu journalistique amène à des poursuites sur la base de l’article 18, les personnes poursuivies bénéficient de délais de prescription courts, d’un formalisme strict, et ne peuvent pas être jugés en comparution immédiate, etc.
L’amendement Avia, adopté par la commission des lois, a modifié cet alinéa 5, en indiquant que “lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.” Selon cette version, la référence aux lois sur la presse sert non plus à déterminer "le régime de responsabilité et les garanties procédurales", mais simplement les "personnes responsables".
Dès février 2021, RSF a souligné les risques que l’article 18 fait peser sur les journalistes. L’organisation demande que l’article 18 soit inscrit non pas dans le code pénal mais dans la loi de 1881, avec éventuellement une exception pour les personnes qui ne sont pas des journalistes. A défaut d'une telle inclusion de l'article 18 dans la loi de 1881, des garanties claires doivent être apportées pour les journalistes.
En tout état de cause, RSF appelle les députés à revenir à la rédaction précédente du texte, ou de préciser explicitement que si un journaliste est poursuivi sur la base de l’article 18, il bénéficiera de l’ensemble des garanties de la loi de 1881.
La France se situe à la 34e place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021.