Ouganda : une équipe de surveillance dédiée aux réseaux sociaux
Les autorités ougandaises ont créé une équipe d’experts chargée de surveiller étroitement les réseaux sociaux. Reporters sans frontières (RSF) dénonce la mise en place d’un outil destiné à restreindre la liberté d’expression et à faire taire les voix critiques en Ouganda.
Devant un parterre de journalistes citoyens, à l’occasion d’une conférence de presse sur les réseaux sociaux, à Kampala, le directeur du Media Center, Ofwono Opondo, a justifié la création de cette brigade spéciale après avoir “constaté que les utilisateurs des réseaux sociaux étaient des personnes amères et déprimées qui se plaignent en permanence de tout et du gouvernement, mais qu’ils obtiennent rarement des réponses des ministères concernés.”
“Accroître la surveillance pour mieux traquer la moindre critique à l’égard du gouvernement constitue en soi une violation de la liberté d’information, dénonce Elodie Vialle, responsable du Bureau Journalisme et Technologie à Reporters sans frontières. Cette mesure est d’autant plus préoccupante qu’elle survient dans un pays qui a pour habitude de faire taire les voix critiques des journalistes.”
Les réseaux sociaux : nouveaux lieu de traque des journalistes
RSF s’inquiète d’autant plus des possibles répercussions d’une telle brigade sur le travail des médias, que l’organisation a recensé ces dernières années une intensification de la chasse aux journalistes critiques du gouvernement de Museveni.
En avril dernier, la journaliste Gertrude Uwitware a été enlevée et sévèrement battue par des inconnus, pour avoir défendu, sur les réseaux sociaux, une universitaire jugée pour propos insultants envers le gouvernement. La journaliste a été forcée d’effacer tous ses posts sur Twitter ou Facebook, jugés trop critiques. L’universitaire en question, Stella Nyanzi, a quant à elle été arrêtée pour harcèlement en ligne et communication offensante, en vertu d'une loi de 2011 sur la “mauvaise utilisation" d'internet. C’est cette même loi qui avait aussi permis de condamner l’activiste Robert Shaka en juin 2015 qui était suspecté de faire fuiter sur Facebook des informations secrètes du gouvernement via le pseudo Tom Voltaire Okwalinga (TVO).
RSF craint que cette loi de 2011, selon laquelle “toute personne qui utilise de manière répétée et volontairement les communications électroniques pour perturber ou tenter de perturber la paix, le calme ou la vie privée d’une personne (...), commet un délit” serve à la répression des journalistes, identifiés par cette nouvelle équipe de surveillance.
Le 20 juin 2017, l’unité de police pour les crimes de médias a d’ailleurs interrogé au titre de cette loi Ben Byarabaha, éditeur en chef du Red Pepper, qui avait publié des articles sur l’état de santé précaire d’un général de la police.
Suspendre les réseaux sociaux pour faire taire la contestation
En mai 2016, la plupart des réseaux sociaux avaient été bloqués, le temps d’une après-midi, à la veille de la cérémonie d’investiture du président. Les citoyens ougandais ont ainsi eu de grandes difficultés à accéder à Facebook, Twitter et WhatsApp, trois réseaux sociaux régulièrement utilisés par les journalistes du pays pour communiquer des informations en temps réel, mais aussi pour organiser leur travail, WhatsApp devenant un lieu d’échange et de discussion, comme une conférence de rédaction virtuelle. Les raisons invoquées étaient liées à la sécurité nationale.
Les autorités avaient alors interdit expressément aux médias de couvrir les activités de l’opposition sous peine de fermeture.
Le 18 février 2016, la plupart des réseaux sociaux étaient de nouveau suspendus “pour empêcher les gens de mentir lors des élections générales.
L’Ouganda a perdu 10 places par rapport à l’année 2016 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2017. Le pays est désormais classé 112ème sur 180 pays.