Onze personnes condamnées pour l’assassinat de Christian Poveda : soulagement et frustration à l’énoncé du verdict
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Un tribunal spécial de San Salvador a condamné, le 9 mars 2011, onze des 31 personnes jugées pour leur implication dans l’assassinat, le 2 septembre 2009, du documentariste franco-espagnol Christian Poveda. Les peines prononcées vont de quatre à trente ans de prison.
“L’enchaînement des faits paraît clair et le mobile direct établi. Deux jours d’audience pour autant d’accusés auront-ils néanmoins suffi à établir toutes les responsabilités et à éclaircir toutes les zones d’ombre du dossier ? Auront-ils permis de restituer le fil complet de l’histoire entre Christian Poveda et les jeunes gens présents dans son film ? Comment expliquer l’écart entre les réquisitions du parquet et les peines prononcées ? C’est à la fois sur une note de soulagement et de frustration que l’on peut accueillir ce verdict. Si la lutte contre l’impunité y a gagné, la manifestation de la vérité a peut-être été trop rapide”, a déclaré Reporters sans frontières.
Considérés comme les commanditaires et auteurs matériels du crime, Luis Roberto Vásquez Romero (alias “El Tiger”) et José Alejandro Melara (alias “El Puma”) ont écopé chacun de trente ans de prison. Reconnue coupable de “complicité”, Keiry Geraldina Mallorga Álvarez a été condamnée à vingt ans d’emprisonnement.
Huit condamnations à quatre ans de prison pour “association de malfaiteurs au préjudice de la paix sociale” ont été prononcées contre les mareros Javier Amilcar Fuentes, Daniel Cabrera Flores, Juan Anastacio Jiménez, José Mateo Cruz, Armando Rivera, Carlos Peraza et Salvador Peraza, ainsi que contre l’ancien policier Juan Napoleón Espinoza Pérez.
Le parquet général de la République avait requis cinquante ans d’emprisonnement contre 30 des accusés pour “homicide aggravé”, “instigation” et “conspiration”, et la même peine, augmentée de six ans et demi pour “association de malfaiteurs”, contre Juan Napoleón Espinoza Pérez. Deux autres individus inculpés restent introuvables.
Questions en suspens
Les témoignages recueillis au cours de ces deux jours d’audience et relayés par la presse salvadorienne appellent, à nos yeux, la plus grande prudence. La comparution a d’ailleurs débuté à huis clos. La presse n’a pu assister qu’au deuxième jour des débats. D’après les déclarations, Christian Poveda n’aurait pas honoré sa promesse d’aide financière, faite en échange du droit de filmer, aux protagonistes de son documentaire La Vida Loca auquel il avait consacré seize mois de tournage. Les membres de la Mara 18, qui apparaissent dans le film, se seraient également estimés trahis quand avait commencé à circuler un DVD pirate de La Vida Loca. Christian Poveda s’était, selon eux, engagé à ne pas diffuser son œuvre en territoire salvadorien et à en couper plusieurs scènes susceptibles d’exposer certains mareros. Il est aujourd’hui impossible d’établir, par témoignage contradictoire, si Christian Poveda a effectivement promis une aide financière aux acteurs de La Vida Loca. Les prétextes de ce genre sont malheureusement fréquents pour jeter le discrédit sur une victime. L’épisode du DVD pirate ne saurait, quant à lui, constituer un mobile recevable, si l’on considère que Christian Poveda n’avait aucun intérêt à voir son documentaire piraté, vendu et diffusé sans son accord. Qui a détourné l’œuvre et dans quel but ? Cette question demeure. Ces précédents événements avaient gravement entamé la confiance autrefois nouée entre Christian Poveda et les mareros, mais ils n’expliquent pas l’assassinat en tant que tel. C’est la thèse apparemment retenue par la justice salvadorienne. Le passage à l’acte aurait été décidé quand Juan Napoleón Espinoza Pérez avait dénoncé le documentariste comme un “informateur” de la police, contre les intérêts du gang. Quelles raisons ont conduit l’ancien policier, alors en fonctions, à livrer Christian Poveda à ses assassins ? Autre question clé. Toujours selon les dépositions enregistrées au cours des audiences, quinze mareros réunis dans une maison des environs de la capitale ont condamné à mort Christian Poveda, le 25 août 2009, et lui ont fixé cinq jours plus tard un premier rendez-vous auquel il ne s’est pas présenté en raison d’un déplacement à l’étranger. Le contrat a été exécuté le 2 septembre suivant dans les circonstances déjà connues. “J’ai rendez-vous à La Campanera (localité périphérique de San Salvador où a été tourné La Vida Loca) avec quatre fous furieux”, avait confié peu avant sa mort le documentariste à Carole Solive, la productrice du film, et à son ami Alain Mingam, membre du conseil d’administration de Reporters sans frontières. Malgré ses réserves à l’issue de cette affaire, Reporters sans frontières n’ignore en rien la difficulté à lutter contre le crime organisé et à rendre justice dans un tel contexte. Lire le rapport sur le sujet publié par l’organisation le 24 février.
Les témoignages recueillis au cours de ces deux jours d’audience et relayés par la presse salvadorienne appellent, à nos yeux, la plus grande prudence. La comparution a d’ailleurs débuté à huis clos. La presse n’a pu assister qu’au deuxième jour des débats. D’après les déclarations, Christian Poveda n’aurait pas honoré sa promesse d’aide financière, faite en échange du droit de filmer, aux protagonistes de son documentaire La Vida Loca auquel il avait consacré seize mois de tournage. Les membres de la Mara 18, qui apparaissent dans le film, se seraient également estimés trahis quand avait commencé à circuler un DVD pirate de La Vida Loca. Christian Poveda s’était, selon eux, engagé à ne pas diffuser son œuvre en territoire salvadorien et à en couper plusieurs scènes susceptibles d’exposer certains mareros. Il est aujourd’hui impossible d’établir, par témoignage contradictoire, si Christian Poveda a effectivement promis une aide financière aux acteurs de La Vida Loca. Les prétextes de ce genre sont malheureusement fréquents pour jeter le discrédit sur une victime. L’épisode du DVD pirate ne saurait, quant à lui, constituer un mobile recevable, si l’on considère que Christian Poveda n’avait aucun intérêt à voir son documentaire piraté, vendu et diffusé sans son accord. Qui a détourné l’œuvre et dans quel but ? Cette question demeure. Ces précédents événements avaient gravement entamé la confiance autrefois nouée entre Christian Poveda et les mareros, mais ils n’expliquent pas l’assassinat en tant que tel. C’est la thèse apparemment retenue par la justice salvadorienne. Le passage à l’acte aurait été décidé quand Juan Napoleón Espinoza Pérez avait dénoncé le documentariste comme un “informateur” de la police, contre les intérêts du gang. Quelles raisons ont conduit l’ancien policier, alors en fonctions, à livrer Christian Poveda à ses assassins ? Autre question clé. Toujours selon les dépositions enregistrées au cours des audiences, quinze mareros réunis dans une maison des environs de la capitale ont condamné à mort Christian Poveda, le 25 août 2009, et lui ont fixé cinq jours plus tard un premier rendez-vous auquel il ne s’est pas présenté en raison d’un déplacement à l’étranger. Le contrat a été exécuté le 2 septembre suivant dans les circonstances déjà connues. “J’ai rendez-vous à La Campanera (localité périphérique de San Salvador où a été tourné La Vida Loca) avec quatre fous furieux”, avait confié peu avant sa mort le documentariste à Carole Solive, la productrice du film, et à son ami Alain Mingam, membre du conseil d’administration de Reporters sans frontières. Malgré ses réserves à l’issue de cette affaire, Reporters sans frontières n’ignore en rien la difficulté à lutter contre le crime organisé et à rendre justice dans un tel contexte. Lire le rapport sur le sujet publié par l’organisation le 24 février.
Publié le
Updated on
20.01.2016