Les journalistes étrangers et chinois empêchés d'enquêter sur l'épidémie de SIDA dans la province du Henan
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Mise à jour : Le 14 janvier, des envoyés spéciaux du quotidien français Libération, dont le correspondant à Pékin Pierre Haski, rapportent les conditions dans lesquelles ils ont couvert la "première révolte de porteurs chinois du virus VIH" dans la province du Hénan, où des milliers de paysans ont été infectés. Les journalistes, partis enquêter sans autorisation dans le village de Houyang (province du Henan, au sud de Pékin), ont été interpellés par la police avertie de leur présence. Alors qu'ils obtempèrent et montent dans la voiture de police, les paysans tentent d'empêcher le véhicule de démarrer. La situation dégénère, et les paysans retiennent les policiers ainsi que les journalistes en otages. Ces derniers parviennent toutefois à s'échapper et sont rattrapés par des individus qui cherchent à s'emparer de leur véhicule, puis tentent de les racketter. Après leur avoir cédé près de trois cents euros pour pouvoir partir, l'équipe de reporters tombe peu après sur un barrage de police dressé aux limites du district pour les arrêter. Ils sont ramenés au poste de police de Shangcai, où ils sont interrogés pendant trois heures. Les journalistes de Libération sont finalement relâchés après avoir signé un procès-verbal reconnaissant qu'ils n'avaient pas l'autorisation d'être là. Les policiers leur ordonnent ensuite de rejoindre Pékin, affirmant que tous les villages sont prévenus et qu'il est désormais inutile de tenter d'y retourner. Quand les journalistes demandent en aparté à un policier s'ils auraient pu obtenir une autorisation de couvrir la manifestation s'ils l'avaient demandé, le policier répond par la négative, ajoutant qu'il s'agit "d'un sujet interdit".
14 novembre 2001
A l'occasion de l'ouverture à Pékin de la première conférence nationale sur le SIDA, Reporters sans frontières (RSF) a adressé une lettre à Tang Jiaxuan, ministre chinois des Affaires étrangères, pour s'inquiéter des obstacles que rencontrent les journalistes étrangers basés en Chine désireux d'enquêter sur l'épidémie de SIDA dans la province du Henan (centre du pays). "Il est scandaleux de voir les autorités empêcher la presse étrangère et les journalistes chinois de travailler sur ce scandale de sang contaminé alors que le gouvernement a reconnu officiellement l'existence de ce drame qui touche des milliers de Chinois", a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de RSF. L'organisation a demandé au ministre d'accorder des autorisations aux journalistes accrédités qui en feraient la demande.
Selon les informations recueillies par RSF, les correspondants des médias internationaux basés à Pékin se voient systématiquement refuser leurs demandes d'autorisation pour se rendre dans la province du Henan où s'est développée une épidémie de SIDA. Selon un journaliste européen, qui a souhaité témoigner anonymement pour des questions de sécurité, ses propres demandes, renouvelées tous les mois, sont refusées depuis février 2001. Selon les règles imposées par le régime de Pékin, les journalistes étrangers doivent demander à l'avance une autorisation pour sortir de Pékin. Une fois en province, ils sont placés sous le contrôle, souvent très strict, du bureau local du ministère des Affaires étrangères.
L'agence de presse Reuters a récemment recueilli le témoignage d'un malade du SIDA originaire de la province du Henan. Celui-ci a confirmé que les autorités ne portaient pas secours aux contaminés. En revanche, ceux qui militent en faveur de la reconnaissance de l'épidémie sont menacés et les journalistes locaux sont censurés quand ils tentent d'exposer ce drame. Enfin, un groupe de travailleurs de la santé et des journalistes de Pékin se mobilisent pour faire connaître la situation dans le Henan.
Des journalistes de la BBC, de l'Agence France-Presse, du journal New York Times et du quotidien français Libération se sont rendus, sans autorisation, en 2001, dans des villages du Henan où des centaines de milliers d'habitants ont été contaminés au cours de campagnes de dons de sang organisées, dans les années 1990, par les autorités et des entreprises privées.
Deux journalistes allemands avaient été interpellés pendant plusieurs heures, en août 2001, par la police de la province du Henan. Harald Maass, correspondant du quotidien Frankfurter Rundschau, et Katharina Hesse, photographe de l'hebdomadaire Newsweek, ont été interrogés par des policiers qui leur reprochaient d'être présents à proximité d'un village où résident de nombreux malades du SIDA, sans disposer d'autorisation officielle.
En République populaire de Chine, les journalistes étrangers sont soumis à un contrôle très strict de la part des autorités. Interpellations, menaces, filatures sont le lot quotidien des professionnels de l'information qui tentent de couvrir des sujets interdits tels que le Falungong, la dissidence, les catastrophes occultées par les autorités, les trafics d'organes ou les mouvements séparatistes tibétains, mongols et ouïghours.
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Updated on
20.01.2016