Le journaliste Terry Xu à nouveau harcelé par le Premier ministre de Singapour
Reporters sans frontières (RSF) appelle le Premier ministre Lee Hsien Loong à abandonner la plainte qu’il a déposée contre le reporter, et à cesser de lancer des armées d’avocats contre quiconque publierait des informations qui lui déplaisent.
C’est David contre Goliath… Terry Xu, rédacteur en chef du site d’information indépendant The Online Citizen (TOC), a déposé mardi 10 septembre, un avis de comparution devant la Haute Cour de Singapour après la plainte pour diffamation déposée, il y a cinq jours, par le Premier ministre de la Cité-Etat, Lee Hsien Loong. En d’autres termes, le journaliste a décidé d’assurer tout seul sa défense face à l’armée d’avocats dépêchée par le chef de l’exécutif à la suite de la parution d’un article par TOC le 15 août dernier.
Dans un communiqué, Terry Xu (également connu sous son nom chinois Xu Yuanchen) explique ne pas pouvoir s’engager dans des dépenses excessives en frais judiciaires. Résultat : “Comme je vais devoir consacrer tout mon temps à préparer ma défense sur le plan juridique et apprendre les règles de procédure pénale, précise-t-il, le nombre d’articles publiés sur TOC risque fort de baisser et, par conséquent, nos revenus publicitaires.”
“Cette poursuite est un nouvel exemple des insidieuses méthodes d’intimidation et de censure qu’exerce le pouvoir singapourien sur tout organe de presse qui ne suit pas la ligne officielle, déplore Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. TOC joue un rôle majeur, s’agissant de la plus ancienne plate-forme d’information indépendante de Singapour, dont la presse est corsetée par un système d’autocensure absolument implacable. Nous appelons le Premier ministre Lee Hsien Loong à abandonner immédiatement l’accusation absurde de diffamation portée par ses avocats, laquelle repose sur absolument rien de crédible.”
Intérêt public majeur
Ceux-ci reprochent à Terry Xu la diffusion d’un article qui aurait causé “souffrance et préjudice” à leur client. En fait de “souffrance” infligée, l'article publié par TOC faisait simplement remarquer que l’épouse du Premier ministre, Ho Ching, avait étonnamment partagé sur son compte Facebook un article qui explique pourquoi “il est parfois bon de couper les ponts avec les membres toxiques de la famille”.
Difficile, pour tout observateur de la vie politique singapourienne, de ne pas faire le lien avec le conflit familial qui oppose depuis plusieurs années le Premier ministre Lee Hsien Loong à son frère et sa sœur. Ceux-ci se déchirent en effet à propos d’une partie de l'héritage laissé par leur père Lee Kwan Yew, par ailleurs “père de la nation” singapourienne. Autant dire, à l’approche d’élections générales régulièrement reportées, qu’il s’agit là d’une question d’intérêt public majeur pour les citoyens de Singapour.
Le pouvoir singapourien s’en prend régulièrement à TOC. En novembre 2018, la police avait placé en garde à vue Terry Xu et un collaborateur du site, Willy Sum, et confisqué le matériel du portail d’information.
Le Premier ministre est pour sa part coutumier des plaintes contre quiconque diffuse des informations qui lui déplairaient. Le blogueur Leong Sze Hian risque toujours deux ans de prison pour avoir partagé sur sa page Facebook, il y bientôt un an, un simple article du site malaisien TheCoverage.my.
Singapour se classe à la 151ème place sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse de 2019 établi par RSF.