Irak : quand enquêter sur la corruption mène les journalistes en prison
Deux journalistes d’investigation travaillant sur des affaires de corruption différentes sont inquiétés cette semaine par les autorités locales. Reporters sans frontières dénonce les pressions dont ils font l’objet et demande l’abandon immédiat des poursuites.
Autre lieu, autre cas : dans la province de Najaf, c’est le journaliste Hossam al Kaabi, de la chaîne NRT en arabe qui est la cible de multiples pressions pour son travail d’enquête sur une affaire de corruption impliquant l’ancien conseil d’administration de l’aéroport de la province. Argent, femmes, menaces… tous les moyens ont été utilisés pour le faire taire, dit-il. Son travail sur cette affaire, devenue de notoriété publique, lui vaut aussi plusieurs dizaines de plaintes en justice. Objet d’un mandat d’arrêt, il a dû payer le 6 juin dernier une imposante caution, 15 millions de dinars (10 745 euros), pour être remis en liberté.
La plainte de l’ex-administration de l’aéroport de Najaf a été déposée 4 jours après la fermeture de son média principal, la chaîne arabe du bouquet NRT, pour raisons financières. Défendu par un consortium d’avocats, Hossam al Kaabi a fait part de ses craintes à RSF concernant l’issue de son procès, craignant un manque d’indépendance de la justice irakienne.
“Ces deux mandats d’arrêt mettent en lumière le difficile exercice du journalisme en Irak, entre le risque de voir son travail utilisé dans le cadre de rivalités politiques et celui d’être injustement poursuivi, déclare Sophie Anmuth, en charge du bureau Moyen-Orient à Reporters sans frontières. Non seulement les poursuites absurdes contre Hossam al Kaabi doivent être abandonnées, mais il est du devoir des autorités de protéger les journalistes qui font l’objet de menaces.”
Comme le rappelle le journaliste Hossam al Kaabi sur sa page Facebook, la loi irakienne protège en principe le droit des journalistes à chercher des informations et des sources. Dans les faits cependant, l’organisation JFO rappelle fréquemment l'impunité dont jouissent les notables locaux à l’origine de pressions judiciaires, et parfois de menaces de mort, contre les journalistes qui dénoncent des affaires de corruption.
L’Irak figure à la 160ème place sur 180 du Classement 2018 sur la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.