Ihsane El Kadi reste en prison, les voix libres ne doivent pas s’éteindre dans les geôles algériennes
La justice algérienne a confirmé la détention provisoire du patron de presse en l’absence de ses avocats. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une décision inique et une procédure bafouant les droits de la défense qui confirme l’acharnement politico-judiciaire contre le directeur de Radio M et Maghreb Émergent.
Ihsane El Kadi reste derrière les barreaux. La chambre d’accusation de la cour d’Alger a confirmé, dimanche 15 janvier, sa détention provisoire, ordonnée le 29 décembre dernier dans le cadre d’une enquête pour “collecte illégale de fonds et atteinte présumée à la sûreté de l’État”. Une décision qui a pris de court sa famille, ses proches et son collectif de défense. L’un des avocats d’Ihsane El Kadi a fait part de sa “totale incompréhension”. En effet, ses défenseurs n’ont pas été informés du changement de date de l’audience d’examen de son appel – prévu initialement le 18 janvier – et n’ont donc pas pu présenter leurs arguments. “La loi dispose clairement que nous, les avocats, devons être prévenus par écrit de la date d’examen de l’appel par la chambre d’accusation afin de nous préparer et d’être présents pour les plaidoiries devant les juges de cette chambre. C'est une violation du droit de la défense”, déplore un membre du collectif de défense.
“Cette entorse au droit que subit Ihsane El Kadi est une nouvelle preuve, s’il en fallait, de l'acharnement et du peu de cas que font les autorités des droits du journaliste, s’alarme le représentant de RSF en Afrique du Nord, Khaled Drareni. La poursuite de la détention arbitraire d’Ihsane El Kadi et la procédure inique dont il fait l’objet sont intolérables. Le patron de Radio M et de Maghreb Émergent doit être libéré. Les voix libres ne doivent pas s’éteindre dans les geôles algériennes.”
Ihsane El Kadi est accusé d'avoir utilisé “des fonds reçus de l'intérieur et de l'extérieur du pays pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l'État, à l'unité nationale, à l'intégrité territoriale, aux intérêts de l'Algérie et à l'ordre public”. Des accusations niées en bloc par le journaliste et par ses soutiens qui continuent de penser, à juste titre, que l’épreuve d’Ihsane El Kadi est due à ses récents articles et à un tweet, daté du 23 décembre, dans lequel il conteste une information avancée par le président algérien.
Au lendemain de l'interpellation d’Ihsane El Kadi, les bureaux de l'agence Interface Médias, qui édite Radio M et Maghreb Émergent, ont été mis sous scellés. Les deux médias ont par ailleurs signalé ne plus être accessibles depuis dimanche “dans certaines zones en Algérie et sur différents fournisseurs d'internet (ADSL et mobile)".
L’interpellation d’Ihsane El Kadi le 24 décembre, puis sa mise en détention cinq jours plus tard, a suscité une vague d'indignation et une vaste campagne de soutien internationale, notamment menée par RSF qui a officiellement saisi les Nations unies et initié un appel commun de 16 patrons de médias et de rédactions, dont le rédacteur en chef de Novaïa Gazeta prix Nobel de la paix 2021, Dmitri Mouratov.