Malgré quelques signaux favorables envoyés par le président Évariste Ndayishimiye, l’environnement reste encore très hostile pour l’exercice du journalisme au Burundi où une journaliste a été condamnée à 10 ans de prison ferme en 2023 pour des accusations fallacieuses “d’atteinte à la sûreté intérieure du territoire national”.
Paysage médiatique
Autrefois considéré comme l’un des plus dynamiques de la région des Grands Lacs, le paysage médiatique burundais s’est considérablement appauvri depuis la tentative manquée de coup d’État de 2015 et la crise qui a suivi. Plusieurs radios ont été détruites ou contraintes à l’exil, notamment au Rwanda. Radio-Télé Isanganiro, Bonesha FM et le groupe de presse Iwacu font partie des médias les plus suivis et les plus indépendants. La radio Rema FM et la radiotélévision nationale RTNB bénéficient d’une audience importante, mais sont totalement alignées sur la défense et la promotion du régime.
Contexte politique
Après la mort du président Pierre Nkurunziza en 2020, le général Ndayishimiye qui lui a succédé avait promis une normalisation des relations avec les médias burundais, mais cette promesse tarde à se concrétiser. Le CNDD-FDD, au pouvoir depuis 2005, fait figure de parti-État ne tolérant aucune voix discordante. La presse est surveillée de près, au point que dans certaines provinces, les journalistes doivent disposer d’une autorisation ou être accompagnés d’un membre d’un média d’État pour pouvoir traiter certains sujets. Le régulateur des médias, le Conseil national de la communication (CNC) est complètement inféodé au régime. Ses membres sont désignés par le président.
Cadre légal
Si la liberté d’expression est garantie par la Constitution et la loi sur la presse, le cadre légal existant n’offre aucune protection concrète pour favoriser le libre exercice du journalisme. Fin 2022, la censure qui frappait le site d’information Iwacu depuis cinq ans a pris fin. En 2020, les quatre journalistes d’Iwacu qui avaient passé plus d’un an en prison après avoir été arrêtés alors qu'ils se rendaient en reportage, ont été libérés, non pas à la suite d’un procès mais d’une grâce présidentielle. Début 2023, une journaliste accusée de “porter atteinte à l’intégrité du territoire national” a écopé de dix ans de prison ferme, après une procédure inique, basée sur des accusations sans fondement. En manque de soin et détenue dans des conditions indignes, son état de santé s’est détérioré depuis son emprisonnement.
Contexte économique
Le Burundi est un des pays les plus pauvres au monde. Le marché publicitaire y est très limité. Dans ce contexte, il est très difficile pour un média de survivre sans le soutien du régime, d’institutions ou d’ONG étrangères.
Contexte socioculturel
Le régime a instauré une véritable culture de la peur tant dans la société, que dans les rédactions, largement gagnées par l’autocensure. En reportage, les journalistes font souvent face à un “comité d'accueil” : des personnes sélectionnées par les autorités qui ne sont pas libres de dire ce qu’elles pensent. Le régime considère les professionnels des médias comme des patriotes à former. Ceux qui résistent sont traités comme des ennemis de la nation.
Sécurité
Les journalistes burundais vivent dans la crainte d’être menacés, agressés ou arrêtés. La répression peut venir des autorités ou des militants du parti au pouvoir, comme la très violente milice de jeunes, les Imbonerakure, qui utilise à la fois les coups et le racket pour faire taire les journalistes. En 2021, le président s’en est publiquement pris à deux journalistes burundais exerçant à l’étranger, qu’il a accusés de détruire le pays. Ceux qui commettent des exactions contre les professionnels de l’information bénéficient d’une totale impunité. Sept ans après la disparition du journaliste d’Iwacu Jean Bigirimana, et malgré le changement de régime en 2020, les autorités ne montrent toujours aucune volonté politique réelle pour faire toute la lumière sur cette affaire, qui pourrait impliquer les autorités de l’époque.