Bulgarie : RSF dénonce de nouvelles pressions exercées par les autorités bulgares sur un groupe de presse indépendant
Après que le parquet bulgare a annoncé engager des poursuites pour blanchiment d’argent à l’encontre d’Ivo Prokopiev, propriétaire de deux grands journaux indépendants, Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités à faire cesser ce harcèlement judiciaire.
Un an après que les autorités bulgares ont gelé les avoirs et les comptes en banque du propriétaire du groupe de presse Economedia, Ivo Prokopiev, dans le but de museler un éditeur de presse indépendant, elles s’en prennent une nouvelle fois à l’éditeur de l’hebdomadaire Capital et du portail d’information Dnevnik.
Le parquet bulgare a en effet annoncé le 26 octobre 2018 engager des poursuites à l’encontre d’Ivo Prokopiev pour blanchiment d’argent. Les procureurs lui reprochent les conditions de la vente d’une de ses sociétés à un groupe allemand. L'intéressé estime que ces accusations ne sont pas fondées et que ces pressions qui s’apparentent à du harcèlement judiciaire visent une nouvelle fois à faire taire les médias indépendants du pays. Selon Ivo Prokopiev, c’est une enquête récente dans l’hebdomadaire Capital sur ce qui semble être un abus de biens sociaux par un homme d’affaires proche du pouvoir, qui semble avoir déclenché les représailles du gouvernement.
Afin de mettre en lumière l’intensité de l’acharnement judiciaire contre son groupe ou d’autres médias indépendants comme le quotidien Sega ou le site d’information ClubZ, le propriétaire d’Economedia demande que des observateurs internationaux puissent être informés des enquêtes ouvertes contre des éditeurs bulgares, une procédure exceptionnelle qui permettrait plus de transparence sur ce qui motive ou justifie ces procédures judiciaires à répétition. Il a également saisi la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg au sujet des saisies de ses avoirs.
“Tout média d’opposition qui ose critiquer le gouvernement ou des oligarques proches du pouvoir s’expose à des attaques, déclare Pauline Adès-Mével, responsable de la zone UE-Balkans de RSF. Tantôt ce sont les tabloïds, sites d'information et chaînes de télévision qui sont utilisés par les oligarques pour ruiner la réputation des médias d’opposition, tantôt ce sont les autorités qui se livrent à un harcèlement judiciaire afin d’asphyxier les voix indépendantes. Ces contrôles permanents, ces attaques et saisies institutionnelles qui ont pour objectif d'empêcher le fonctionnement de ces médias doivent cesser au plus vite.”
En rejoignant l’Union en 2007, le pays a été placé sous le mécanisme de Coopération et Vérification (MCV), un outil mis en œuvre par la Commission qui est censé mesurer l’efficacité de la réforme judiciaire et la lutte contre la corruption. Tandis que le prochain rapport de la Commission européenne sur l’État de droit en Bulgarie est attendu le 13 novembre prochain, RSF suggère que le MCV puisse désormais aussi s'intéresser aux enquêtes contre les médias indépendants.
Au cours de la période 2009-2013, les organes de presse écrite d’Economedia ont publié des enquêtes sur le systèmes de corruption de la banque bulgare CCB suscitant de fait une série d’actions hostiles à l’encontre du groupe de médias.
Dès la première enquête menée en 2009, les médias de l’oligarque Delyan Peevski ont lancé une campagne de dénigrement massive à l’encontre d’Ivo Prokopiev et des publications d’Economedia. La campagne se poursuit encore aujourd’hui proférant les mêmes fausses allégations, malgré le grand nombre de procès pour diffamation qu’a remporté Ivo Prokopiev contre les publications de Delyan Peevski.
Depuis l’adhésion du pays à l’UE il y a 11 ans, la liberté de la presse va en se détériorant en Bulgarie qui est passée de la 36e à la 111e place au classement mondial de la liberté de la presse de RSF faisant du pays la lanterne rouge de la liberté de la presse dans la région.