Affaire Swissleaks : le secret des sources mis à mal par la justice brésilienne
La justice brésilienne a autorisé l’accès aux relevés téléphoniques de Murilo Ramos, journaliste pour le magazine Época, qui avait révélé en 2015 les noms des titulaires de comptes bancaires secrets, dans le cadre de l’affaire Swissleaks. RSF dénonce une sérieuse attaque contre la liberté de l’information au Brésil.
Le 8 octobre 2016, l’Association nationale des éditeurs de revues (Aner) a rendu publique une décision de la justice fédérale brésilienne, datée du 17 août, autorisant l’accès aux relevés téléphoniques du journaliste Murilo Ramos, chroniqueur pour la revue Época. Ce dernier avait révélé en février 2015 la liste des citoyens brésiliens titulaires de comptes secrets au sein de la banque HSBC en Suisse.
Cette décision intervient dans le cadre de l’enquête, menée depuis plusieurs mois par la justice brésilienne pour découvrir l’identité de la source de Murilo Ramos au sein du ‘Conseil de contrôle des activités financières’ (Coaf). C’est cet organe, rattaché au ministère de l’Economie en charge de lutter contre le lavage d’argent et le financement du terrorisme, qui avait établi la fameuse liste des évadés fiscaux.
En juillet 2016, Ramos avait été convoqué par la police fédérale et avait naturellement refusé de dévoiler l’identité de son informateur, invoquant le droit à la protection des sources prévu dans la loi brésilienne.
Pour Joao Quirino Florio, chargé de l’enquête et à l’origine de cette requête, accéder aux relevés téléphoniques de Murilo Ramos est l’unique solution permettant d’identifier l’origine des fuites.
“Reporters sans frontières condamne avec la plus grande fermeté cette violation du secret des sources, et demande à la justice brésilienne de suspendre immédiatement sa décision, déclare Emmanuel Colombié, directeur du bureau Amérique Latine de l’organisation. Le secret des sources est un droit fondamental des journalistes et un des piliers de la liberté de la presse, les autorités brésiliennes ne sauraient ignorer que ce droit est garanti par la Constitution du Brésil et par la déclaration des principes de liberté d’expression de l’OEA (Organisation des Etats d’Amérique).
RSF s’associe à l’Aner pour dénoncer cette ‘gravissime atteinte au libre exercice de la profession de journaliste”.
Ce n’est pas la première fois que le droit au secret des sources est bafoué au Brésil. Le journaliste Allan de Abreu, reporter pour le journal Diário da Região, s’est retrouvé au coeur d’une enquête de près de quatre ans après avoir révélé, en 2011, des écoutes téléphoniques autour d’une opération de la police fédérale et une affaire de corruption impliquant des fonctionnaires publics de Rio Preto (état de Sao Paulo). Le tribunal suprême fédéral (STF), plus haute instance du pouvoir judiciaire brésilien, avait dû intervenir à deux occasions pour protéger les droits du journaliste. L’enquête a été classée en 2015.
Le Brésil occupe la 104e place sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2016 de RSF