Soudan : au moins 79 journalistes arrêtés depuis le début des manifestations

Reporters sans frontières (RSF) a dévoilé au cours d’une conférence de presse sur la situation au Soudan organisée à Paris, l’arrestation d’au moins 79 journalistes en marge du mouvement de protestation contre le régime qui touche le pays depuis près de deux mois.

Depuis le début des manifestations contre la hausse du prix du pain le 19 décembre 2018 qui se sont rapidement muées en mouvement de colère générale contre le régime soudanais, RSF a recensé 79 arrestations de journalistes. La campagne d’interpellations systématiques a non seulement touché les reporters qui couvraient les rassemblements un peu partout dans le pays mais également les journalistes qui ont osé protester contre la politique de censure et d’arrestations menée par les autorités pour empêcher les informations de circuler. Le 14 janvier dernier, RSF avait notamment dénoncé la “chasse aux journalistes” du régime après les arrestations de 28 professionnels des médias, interpellés alors qu’ils participaient à un rassemblement pour dénoncer la récurrence des atteintes à la liberté de la presse dans leur pays.


Au plus fort de la répression début février, 16 journalistes se trouvaient depuis plus de 48 heures et pour certains depuis plusieurs semaines dans les geôles du régime soudanais. Ils ont tous été libérés au cours des derniers jours après une rencontre entre le président Omar el-Béchir et plusieurs responsables de journaux.


“La libération des journalistes détenus est loin d’avoir mis fin à la répression contre la presse, déplore Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Nous demandons la fin de la censure et notamment les confiscations de journaux à répétition ainsi que l’abandon de toutes les poursuites contre les professionnels de l’information. Il n’y aura pas de sortie de crise au Soudan sans journalistes libres d’y témoigner de l’actualité”.


La presse écrite asphyxiée par l’hyper-censure   


Si des journalistes ont été libérés, le tout puissant service de renseignement et de sécurité soudanais (NISS) poursuit en effet les confiscations de journaux et les interdictions de parution. Depuis le 19 décembre, RSF en a recensées 63. Le journal Al-Jareeda, l’un des plus visés, a pu paraître moins d’un jour sur deux depuis le début de la répression. Cette politique d’hyper-censure a déjà coûté déjà plusieurs dizaines de milliers d’euros à la presse soudanaise.


Plusieurs journalistes font par ailleurs l’objets de poursuites judiciaires pour leur couverture des événements dont Osman Mirghani, rédacteur en chef d’Al-Tayyar, Shamael Al-Noor, journaliste pour le même quotidien et Durra Gambo, reporter freelance. Quant à Yousra Elbagir, correspondante pour plusieurs médias étrangers dont CNN, la BBC et Channel 4, elle a annoncé avoir quitté le Soudan après avoir été menacée de poursuites pouvant mener à la peine de mort. 


Le Conseil national de la presse et des publications (NCPP), l’organe de régulation contrôlé par le régime soudanais, et Bushara Guma Aror, le ministre de l’Information, n’ont pas répondu aux appels téléphoniques et aux messages envoyés par RSF.


Le Soudan occupe la 174e place sur 180 dans le Classement 2018 de la liberté de la presse établi par RSF.

Publié le
Updated on 14.02.2019