Conflit au Soudan : les journalistes ciblés par les belligérants
Les journalistes soudanais sont délibérément visés par les deux factions rivales de la junte militaire qui s’affrontent dans le pays depuis plus de trois mois. Reporters sans frontières (RSF) dénonce les arrestations arbitraires, et les violences contre les professionnels des médias et exige que leur protection devienne une priorité des parties au conflit.
Attaques physiques, confiscations de matériels, arrestations arbitraires, raids aériens visant des convois de journalistes identifiables… Les exactions contre les journalistes ne cessent de s’accumuler au Soudan, où, depuis le 15 avril, s’affrontent deux factions de l’armée soudanaise, celle commandée par le général Abdel Fattah al-Burhan et celle du général Mohamed Hamdan Daglo dit “Hemetti” à la tête des Forces de soutien rapide (FSR). Mais le Syndicat des journalistes soudanais qui documente les exactions alerte sur une intensification des violations depuis le mois de juin.
Aucun des belligérants n'épargne les journalistes, ni les médias ou leur locaux. Dès le début du conflit, les bâtiments de l'Autorité générale pour la radio et la télévision de la deuxième ville la plus peuplée du pays, Omdurman, ont été le théâtre de combats entre factions armées opposées.
Faire du reportage, se rendre sur le terrain est devenu extrêmement risqué. Alors qu’ils interviewaient des personnes bloquées au poste-frontière d’Argeen, près de l’Égypte, la journaliste Khalida al-Laqani et son caméraman ont été arrêtés et interrogés pendant quatre heures par une unité du renseignement militaire de l'armée. Toujours début juin, le journaliste indépendant Ali Jouda a lui été détenu et battu pendant deux heures également par des membres des services de renseignement de l’armée.
Ces différents incidents, qui se sont déroulés courant juin, ont tous été rapportés par le Syndicat des journalistes soudanais, dont les membres s’avèrent particulièrement exposés.
Après avoir appelé les belligérants à cesser les combats, les journalistes indépendants Faisal Mohamed Salih et Zuhair al-Sarraj, tous deux membres du syndicat, ont vu leurs photos placardées dans des rues de la capitale, Khartoum, avec des appels au meurtre les visant.
Ces dernières semaines, des exactions ont également été signalées dans le sud du pays. Vers la mi-juin, le journaliste indépendant Salah Damba a été agressé dans la région d'Al-Jabalain par des forces armées qu’il n’a pas été possible d’identifier en raison de la confusion qui règne dans le conflit. Son passeport lui a été confisqué. Au Darfour, où les combats s'intensifient entre les différentes factions armées, les violations des droits des civils sont aussi nombreuses et la situation des journalistes est particulièrement incertaine. Cependant, les informations parviennent difficilement depuis ce territoire, tous les moyens de communication ayant été interrompus.
“Dans la situation effroyable dans laquelle se trouve la population soudanaise prise en otage dans une guerre entre généraux, la parole des journalistes est de la plus grande importance. Plus que jamais, il faut défendre leur droit et leur devoir de témoigner de cette phase grave et dangereuse que traverse leur pays. Au lieu de les agresser et d’essayer de les réduire au silence, les parties au conflit doivent faire de la protection des journalistes locaux et des correspondants étrangers leur priorité absolue.
Menacés et empêchés d’exercer leur métier, nombre de journalistes sont contraints de quitter leur région, voire leur pays. Le service assistance de RSF a déjà aidé une quarantaine d’entre eux à rejoindre l’Égypte par mesure de sécurité, mais certains se retrouvent bloqués dans les zones frontalières, à l’image de Mawahib Ibrahim, membre du bureau exécutif du Syndicat des journalistes soudanais, qui s'est vu refuser ses demandes de visa pour l’Arabie Saoudite et pour l’Égypte sans aucune justification.