Mort d’une journaliste au Soudan : les responsables doivent rendre des comptes devant la justice
Vingt jours après l’homicide de la journaliste Halima Idris Salim, aucune enquête n’a encore été ouverte. La journaliste soudanaise a été renversée par un véhicule de la milice paramilitaire des Forces de soutien rapide, le 10 octobre, dans la ville d’Omdurman, près de la capitale, Khartoum. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités soudanaises à identifier précisément les responsables de la mort de la journaliste et à les traduire en justice.
Le 10 octobre, Halima Idris Salim couvre des affrontements dans la banlieue d’Omdurman entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR). Sur le chemin du retour vers son domicile, elle est violemment heurtée par un véhicule des FSR et laissée pour morte sur place. S’il est difficile de savoir, à ce jour, si cet acte a été perpétré de manière intentionnelle, les confrères de la journaliste affirment que Halima Idris Salim était une journaliste qui dérangeait par son travail acharné de couverture des tensions au Soudan en toute indépendance.
La journaliste de 30 ans travaillait pour la chaîne de télévision privée Sudan Bokra, proche de l’opposition. Connue et très respectée par la corporation, Halima Idris Salim avait étudié à l’Académie soudanaise des sciences de la communication, avant de commencer sa carrière, il y a une dizaine d’années, au sein de la radio spécialisée dans le sport Arriadia FM. Elle a aussi travaillé pour la webradio Radio Fikra.
“Halima Idris Salim assumait ses fonctions de journaliste avec professionnalisme et indépendance. Avec sa mort se tarit une importante source de l’accès au droit à une information indépendante pour les Soudanais. Les circonstances de la mort de cette professionnelle de l’information – et notamment la fuite de la voiture des Forces de soutien rapide qui l’a renversée – exigent l’ouverture d’une enquête approfondie. RSF appelle les autorités soudanaises à tout mettre en œuvre pour que les responsables de sa mort soient identifiés et qu’ils rendent des comptes devant la justice. L’organisation demande instamment à toutes les parties au conflit d’assurer la sécurité des journalistes.
Le Réseau des journalistes soudanais a immédiatement réagi à la mort de Halima Idris Salim dans un communiqué. Il considère que la journaliste a été “assassinée dans l'exercice de ses fonctions professionnelles”, ajoutant qu’“elle était un exemple de personnalité médiatique professionnelle engagée dans les problèmes de son pays et de son peuple”. Le Réseau a également rappelé qu’il avait dénoncé le “ciblage systématique des journalistes et des professionnels des médias qui s'efforcent de transmettre les faits au peuple soudanais et au monde entier” par les parties au conflit.
Une consœur de Halima Idris Salim, qui préfère garder l’anonymat par crainte de représailles, dénonce le fait qu’aucune enquête n’a, à ce jour, été diligentée pour faire la lumière sur la mort de la journaliste de Sudan Bokra. Elle rappelle que les autorités soudanaises ne font aucun effort pour enquêter sur les attaques et exactions commises contre les journalistes. Une impunité dénoncée également par le Syndicat national des journalistes et des confrères des reporters victimes d’exactions.
Insécurité constante et exil impossible
Selon les informations recueillies par RSF, une trentaine de journalistes soudanais sont bloqués dans la capitale, Khartoum, dans l’insécurité la plus totale. Attaques physiques, confiscations de matériels, arrestations arbitraires, raids aériens visant des convois de journalistes identifiables… Les exactions contre les journalistes ne cessent de s’accumuler dans le pays, où, depuis avril 2023, deux factions de l’armée soudanaise, celle, régulière, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhan et celle du général Mohamed Hamdan Daglo dit “Hemetti”, les FSR, s’affrontent.
Menacés et empêchés d’exercer leur métier, nombre de journalistes sont alors contraints de quitter leur région, voire leur pays. Le bureau assistance de RSF a déjà aidé une quarantaine d’entre eux, depuis le début du conflit, à rejoindre l’Égypte par mesure de sécurité, mais certains se retrouvent bloqués dans les zones frontalières, à l’image de Mawahib Ibrahim, membre du bureau exécutif du Syndicat des journalistes soudanais, qui s'est vu refuser, sans aucune justification, ses demandes de visa pour l’Arabie Saoudite et pour l’Égypte.