RSF réagit aux menaces du gouvernement philippin contre Rappler en saisissant les instances internationales
Reporters sans frontières (RSF) saisit les Nations unies, l’UNESCO et l’ASEAN pour s’opposer à la décision des autorités philippines de fermer le site d’information indépendant Rappler sous des prétextes juridiques fallacieux. L’organisation apporte son soutien entier à ses journalistes.
RSF a décidé de saisir les instances des Nations unies, de l’UNESCO et de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) de la violation flagrante de la liberté de la presse par les autorités philippines, après qu’elles ont annoncé le 15 janvier la révocation de la licence de Rappler, le principal site d’information indépendant du pays. Ses journalistes craignent une perquisition d’un jour à l’autre. Le Secrétariat à la Justice a rappelé mercredi qu’il étudiait la possibilité de lancer des poursuites judiciaires contre la publication.
“Cette décision de fermer Rappler met les reporters du site en grand danger, ce qui justifie l’urgence de saisir les instances internationales, déclare Antoine Bernard, directeur général adjoint de RSF. L’organisation exprime une inquiétude d’autant plus vive, pour la sécurité des journalistes et la protection de leurs sources, que Rappler est reconnu pour la qualité de ses enquêtes”.
La Commission des opérations en bourse des Philippines (Securities and Exchange Commission, SEC) n’a fourni aucune preuve sérieuse concernant les accusations qu’elle porte à l’encontre de Rappler. Selon la SEC, le site d’information et sa maison mère, Rappler Holding Corp, “n’existeraient que dans le but de réaliser un schéma trompeur pour contourner la Constitution”. En l’occurrence, la section 11 de l’article XVI de la Constitution philippine, selon laquelle “la propriété des médias de masse doit être limitée aux citoyens des Philippines”.
Transparence financière
“Depuis plus d’un an, sur les réseaux sociaux, une armée de trolls à la solde de Rodrigo Duterte fait circuler la rumeur selon laquelle Rappler serait 100% aux mains de capitaux étrangers, rappelle pour sa part Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Le président philippin surfe clairement sur cette fibre nationaliste pour faire taire une voix qui dérange son clan. Mais les arguments juridiques avancés pour justifier cette décision se heurtent à la réalité des faits.”
Une analyse rapide de la structure du capital de Rappler suffit en effet à montrer que le site est bien philippin à 100%. Rappler Holding Corp est un exemple de transparence financière, comme le montre la page qui lui est consacrée dans l’étude sur la propriété des médias philippins établie par RSF. La société reçoit certes des investissements étrangers, notamment des groupes Omidyar Network et North Base Media. Mais cela se fait sous le forme de Certificats de dépôts philippins, lesquels n’impliquent absolument aucun lien de propriété. RSF soutient la démarche du site, qui a fait appel de cette décision inique basée sur rien d’autre qu’une fausse information.
Abritant l’une des populations les plus actives sur les réseaux sociaux, les Philippines sont un marché crucial pour Facebook ou Twitter. Or, les géants californiens font régulièrement l’objet de critiques en raison des fausses informations qu’ils répandent sur leurs réseaux - des fausses informations qui émanent le plus souvent des trolls de Duterte.
La fondatrice de Rappler, Maria Ressa, appelle depuis longtemps la direction de Facebook à ne pas laisser se propager des informations volontairement inexactes, qui “blessent la démocratie dans le monde entier”.
Signe du mépris du gouvernement actuel pour un journalisme libre et indépendant, le porte-parole du président Duterte, Harry Roque, a déclaré mercredi que les reporters du site “pourraient toujours devenir blogueurs”.
Les Philippines se situent à la 127ème place sur 180 pays dans le Classement mondial pour la liberté de la presse 2017 de RSF.