Le dernier média indépendant d’Azerbaïdjan rattrapé par la répression
L’agence d’information indépendante azerbaïdjanaise Turan a annoncé le 10 août 2017 qu’elle faisait l’objet d’une enquête pénale pour redressement fiscal. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une pression politique des autorités contre le dernier média indépendant encore en activité dans le pays.
Au total, l'administration fiscale réclame plus de 37 000 manats (environ 18 000 euros) à l’agence de presse Turan, qu’elle accuse d’avoir minimisé ses profits depuis 2014. Une enquête pénale pour redressement fiscal a été ouverte le 7 août. Un inspecteur des impôts s’est rendu dès le lendemain au bureau de l’agence pour y entamer un audit.
Turan, qui rejette ces accusations, a porté l’affaire devant le tribunal administratif et économique de Bakou. L’agence souligne les multiples irrégularités qui entachent l’enquête. En particulier, l’administration fiscale passe sous silence les conclusions d’un contrôle mené récemment sur la base d’accusations similaires, et qui avait conclu à l’absence d’irrégularités.
“Cela n’était plus qu’une question de temps avant que les autorités azerbaïdjanaises ne s’attaquent au dernier média indépendant encore en activité dans le pays, souligne Johann Bihr, responsable du bureau Europe de l’Est et Asie centrale de RSF. Ces poursuites visent à mettre à genoux financièrement une agence de presse reconnue pour son intégrité. Nous demandons aux autorités de mettre un terme au harcèlement systématique des dernières voix indépendantes et d’annuler les poursuites engagées contre Turan.”
Créée en mai 1990 par un groupe de journalistes qui refusaient de rejoindre les médias d’Etat, Turan a été l’une des toutes premières agences de presse indépendantes d’URSS. Elle publie ses dépêches en trois langues : azerbaïdjanais, anglais et russe. L’agence s’est imposée comme une référence grâce au professionnalisme de ses journalistes, n’hésitant pas à couvrir les sujets les plus sensibles dans un pays placé sous le joug du “prédateur de la liberté de la presse” Ilham Aliev. Turan a été nominée au Prix RSF pour la liberté de la presse en 2014.
Les autorités azerbaïdjanaises ont tout fait ces dernières années pour annihiler le pluralisme médiatique. Sous asphyxie financière, le quotidien Zerkalo a été contraint de suspendre sa publication en mai 2014. Le bureau à Bakou de Radio Free Europe / Radio Liberty (RFE/RL) a été fermé manu militari fin 2014. Le dernier journal d’opposition, Azadlig, a été contraint d’interrompre son tirage papier en septembre 2016. Ses dirigeants ont été contraints à l’exil et son directeur financier, Faïg Amirov, a été condamné fin juillet à trois ans et trois mois de prison dans une affaire montée de toutes pièces. Les principaux sites d’information indépendants sont tous bloqués dans le pays.
L’Azerbaïdjan occupe la 162e place sur 180 au Classement de la liberté de la presse établi par RSF en 2017.