Vladislav Chekoyan, cameraman de la chaîne russe TVTs, a été passé à tabac, le 21 mai, par des gardes-frontières ouzbeks, alors qu'il filmait une manifestation à Kara-Suu (ville frontalière avec le Kirghizistan). Il s'agit de la énième violation de la liberté de la presse en Ouzbékistan depuis la fusillade sanglante d'Andijan (est du pays), le 13 mai, qui aurait fait jusqu'à 1 000 victimes civiles.
« Nous condamnons fermement cette nouvelle atteinte à la liberté de la presse qui démontre que l'usage de la violence à l'encontre des journalistes est une pratique courante des autorités ouzbèkes, au même titre que la désinformation, afin de contrôler les médias. Nous appelons donc le président Islam Karimov à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le droit à l'information en Ouzbékistan et à cesser immédiatement cette politique du mensonge, alors que le pays vit une étape cruciale de son évolution politique et sociale », a déclaré Reporters sans frontières.
Vladislav Chekoyan, cameraman de la chaîne russe TVTs, a été battu par des gardes-frontières ouzbeks qui lui ont confisqué sa caméra et son téléphone portable, le 21 mai 2005, à Kara-Suu, ville frontière entre le Kirghizistan et l'Ouzbékistan. Le journaliste filmait une manifestation sur le pont qui enjambe la rivière Charkhansaï et sépare les deux pays. Environ 1 000 personnes s'étaient rassemblées pour demander la libération d'insurgés qui avaient été arrêtés à Kara-Suu, les 18 et 19 mai, par les forces ouzbèkes.
Depuis la fusillade sanglante d'Andijan, le 13 mai, la ville est restée coupée du monde jusqu'au 18 mai.
Trois journalistes qui avaient tenté de se rendre à Andijan les jours suivant la fusillade du 13 mai avaient été refoulés. Le journaliste Dmitri Iasminov et le cameraman Viktor Mouzalevsky, de la télévision russe REN-TV, avaient été détenus pendant deux heures le 14 mai, à un poste de contrôle situé à quelques kilomètres d'Andijan. Alexeï Ivliev, de la télévision russe NTV, avait été contraint le 14 mai, alors qu'il tournait aux abords d'Andijan, de regagner Tachkent sous escorte policière.
Un voyage de presse, très encadré par les autorités, a permis à une trentaine de journalistes et de diplomates étrangers de se rendre dans la ville durant quelques heures, le 18 mai. Aucun des participants n'a toutefois pu entrer en contact avec les habitants, ni visiter l'école n°15 qui avait servi de morgue à la suite de la fusillade du 13 mai qui aurait fait jusqu'à 1 000 victimes civiles.
Le même jour, l'équipe de Sviatoslav Tsegolko, journaliste de la chaîne Kanal 5, avait été arrêtée, à son arrivée à l'aéroport de Tachkent. Les services de la douane avaient retenu les journalistes pendant six heures, leur reprochant d'être dépourvus d'accréditation officielle, et avaient confisqué leur matériel. L'équipe de Kanal 5 avait finalement pu se rendre à Andijan à la suite de l'intervention de l'ambassade d'Ukraine.
Par ailleurs, les autorités ont intensifié leur campagne de désinformation, notamment depuis que l'Union européenne, les Etats-Unis et l'ONU ont exigé une enquête internationale indépendante sur les événements sanglants du 13 mai.
Le 21 mai, Rustam Azimov, premier ministre adjoint d'Ouzbékistan, a envoyé à l'ensemble des médias ouzbeks des instructions concernant la façon de couvrir les événements d'Andijan.
Le même jour, le service de presse du président Islam Karimov a déclaré à l'agence de presse russe RIA Novosti que « plusieurs médias, dont des sites Internet douteux, fournissent des informations subversives selon lesquelles la situation n'est pas stable à Andijan, alors que cela ne correspond absolument pas à la réalité ».
Les médias ouzbeks ont également martelé, le 22 mai, l'appel à ne pas croire les informations diffusées par les médias internationaux sur Andijan et ont fustigé l'idée d'une enquête internationale. « C'est comme si quelqu'un venait chez vous et vous disait qu'il veut élever vos enfants », s'indignait au journal télévisé de la chaîne d'Etat un vieil homme, présenté comme un habitant d'Andijan.
Par ailleurs, la plupart des sites indépendants ouzbeks et russes les plus populaires restent totalement bloqués par les providers du pays : www.fergana.ru, www.uzland.uz, www.freeuz.org, www.tribune-uz.info.
Les sites russes www.utro.ru, du quotidien Nezavissimaya Gazeta (www.ng.ru), de la chaîne NTV (www.ntv.ru) et de Radio Svoboda (www.svoboda.org) sont également inaccessibles dans le pays. Seule la « home page » des sites www.lenta.ru, www.gazeta.ru et www.newsru.com est accessible aux internautes ouzbeks.
Le président Islam Karimov récuse le fait que l'armée ait tiré sans sommation sur la foule, le 13 mai, faisant entre 500 et 1 000 victimes civiles à Andijan et dans l'est du pays. Selon le chef de l'Etat, 169 insurgés sont morts lors des affrontements avec l'armée et les forces de l'ordre. L'ONU a confirmé, le 20 mai, que le président ouzbek avait rejeté l'idée d'une enquête indépendante sur les violences du 13 mai dans l'est du pays.