Turquie : le partenaire de RSF, Bianet, à son tour rattrapé par la censure
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement la censure de son partenaire turc, le site d’information Bianet, dont le blocage est imminent. L’organisation appelle les autorités à revenir sans délai sur cette décision arbitraire et liberticide.
Source d’information de référence sur les violations des droits humains en Turquie, le site Bianet est à son tour rattrapé par la censure : son blocage est imminent, d’après une décision de justice dont RSF a pris connaissance ce 6 août 2019.
La version turque de Bianet figure parmi plusieurs dizaines de sites internet et de comptes sur les réseaux sociaux, dont un juge de paix d’Ankara a ordonné le blocage le 16 juillet. Cette décision assène que les ressources visées “menacent la sécurité nationale”, mais elle ne fournit aucune explication et ne cite aucun article en particulier, se contentant de faire référence à une enquête de la gendarmerie. D’autres médias, comme l’agence de presse de gauche ETHA, sont également visés.
“Qualifier Bianet de menace à la sécurité nationale est un sommet d’absurdité : ce site promeut depuis sa création un journalisme de paix, dénonce Erol Önderoğlu, représentant de RSF en Turquie. Nous protestons énergiquement contre ce nouvel acte de censure arbitraire, qui contredit les promesses récemment faites au plus haut niveau. Nous demandons aux autorités de revenir sans délai sur cette décision liberticide.”
Le président Erdoğan avait annoncé, fin mai, qu’une série de réformes soumises au parlement permettrait prochainement de ne plus bloquer des sites entiers pour une seule page incriminée.
Bianet est un pionnier du journalisme axé sur les droits humains. Depuis sa création en 1997, le site se spécialise sur des sujets parmi les plus sensibles : question kurde, liberté d’expression, violences faites aux femmes, droits des personnes LGBTI... Erol Önderoğlu y publie des rapports trimestriels sur la persécution des médias. Non content de faire référence sur ces sujets, Bianet a également développé un centre de formation pour promouvoir les meilleures pratiques journalistiques à travers tout le pays.
Institués en 2014 dans le cadre de la mise au pas de la justice turque, les juges de paix ont la haute main sur la censure d’Internet. Le Conseil de l’Europe épingle régulièrement leurs décisions peu circonstanciées, contre lesquelles les possibilités de recours sont limitées. Bianet a obtenu gain de cause auprès de la Cour constitutionnelle, en décembre 2018 et en avril 2019, contre le blocage de deux articles. Mais la censure concerne cette fois-ci l’ensemble du site, soit quelque 200 000 articles publiés depuis plus de vingt ans.
La Turquie occupe la 157e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi en 2019 par RSF. Déjà très préoccupante, la situation des médias est devenue critique après la tentative de putsch de juillet 2016 : de nombreux médias ont été fermés sans aucun recours effectif, les procès de masse se succèdent et le pays détient le record mondial du nombre de journalistes professionnels emprisonnés.