Tunisie : RSF appelle la présidence de la République à respecter le travail journalistique
Interdits d’accès au palais présidentiel mercredi 25 décembre, sept médias étrangers n’ont pas pu assister au point de presse conjoint du président tunisien Kaïs Saïed et de son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan. Reporters sans frontières (RSF) rappelle la présidence de la République tunisienne à ses responsabilités envers les journalistes et l'appelle à respecter ses engagements en faveur de la liberté de la presse.
Les journalistes sont restés aux portes du palais présidentiel tunisien. Mercredi 25 décembre, les chaînes Al-Jazeera, Al-Hurra, Al-Arabiya, l’agence de presse allemande Deutsche Presse-Agentur, Al-Mayadeen, l’agence de presse Reuters, et l’agence américaine SIPAUSA n’ont pas été autorisées à accéder au palais de Carthage où se tenait le point de presse du président tunisien Kaïs Saïed et de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. La garde présidentielle a par ailleurs confisqué les cartes professionnelles de l’équipe de la télévision Al-Arabi.
Rachida Ennaifer, conseillère du président de la République chargée de l’information et de la communication, a invoqué des raisons sécuritaires, assurant qu’en raison du caractère inopiné de la visite du président turc et des importantes dispositions nécessaires en matière de sécurité, seul un nombre restreint de journalistes pouvait être autorisé à couvrir la conférence de presse.
“Les arguments présentés par la présidence de la République tunisienne sont totalement spécieux, déclare Souhaieb Khayati directeur du bureau Afrique du Nord de RSF. La discrimination entre les médias, l’absence de transparence et les annonces aléatoires des activités de la présidence ébranlent la liberté de la presse, qui est l’acquis le plus solide de la révolution tunisienne. RSF appelle la présidence de la République à mettre en place une stratégie claire sur la manière de traiter avec les journalistes et de garantir à tous les organes de presse le droit d’accès à l’information”.
Depuis l’accession de Kaïs Saïed à la magistrature suprême en octobre 2019, les journalistes tunisiens et étrangers font le constat d’un amateurisme désarmant de la part de la présidence en matière de relations avec la presse et ressentent une défiance grandissante à leur égard. Le 17 décembre dernier, lors de la visite du président à Sidi Bouzid, berceau de la révolution, des journalistes ont été physiquement agressés par des membres de la garde présidentielle sans que le président ou les membres de son équipe pourtant présents ne réagissent.
Depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011, la Tunisie s’est engagée dans un processus de refonte du secteur médiatique en vue de permettre aux médias et aux journalistes de jouer pleinement leur rôle. Récemment, en septembre 2019, la Tunisie s’est engagée, aux côtés d’une trentaine de pays, à favoriser l’accès à une information libre, indépendante, plurielle et fiable en signant le Partenariat sur l’Information et la Démocratie initié par RSF.
Bien qu’un long chemin reste à parcourir, cet engagement en faveur de la liberté de la presse pris par la Tunisie depuis la révolution a porté ses fruits : le pays est passé de la 164e du Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2011 à la 72e en 2019.