Tunisie : l’arrestation du directeur de Mosaïque FM, un message violent envoyé aux médias
Le directeur de Mosaïque FM, Noureddine Boutar, a été arrêté à Tunis sans qu’aucune explication n’ait été fournie par les autorités. Reporters sans frontières (RSF) exige sa libération immédiate et appelle le gouvernement tunisien à mettre un terme à sa dérive autoritaire.
Le journaliste Noureddine Boutar, directeur de Mosaïque FM, première radio privée de Tunisie, a été arrêté à Tunis, la capitale, le 13 février dernier, et a vu son domicile perquisitionné par les services de sécurité. Il a été conduit à la brigade antiterroriste d’El Gorjani. Son avocate, Dalila Ben Mbarek Msadek, qui a annoncé la nouvelle, a indiqué que les autorités n’avaient fourni aucune explication. Le même jour, les services de sécurité ont procédé à l’arrestation de plusieurs militants politiques, ainsi que d'anciens magistrats et d’un influent homme d'affaires.
“L’arrestation de Noureddine Boutar est un message violent des autorités aux médias. Son objectif est de terroriser et de soumettre les journalistes, tout en les renvoyant à l’ère de la dictature de Ben Ali, dénonce le représentant de RSF en Afrique du Nord, Khaled Drareni. Cette dérive, annoncée et désormais amplement confirmée, doit être condamnée avec vigueur, et Noureddine Boutar doit être libéré immédiatement."
Cette arrestation, qui s’inscrit dans le sillage d’une répression sévissant dans le pays depuis des mois, suscite colère et consternation chez les journalistes et au sein des médias tunisiens. Mosaïque FM a réagi à l’arrestation de son directeur dans un communiqué du 14 février, faisant part de sa "stupéfaction" et dénonçant des intimidations, des arrestations, ainsi qu'une campagne de diabolisation et de stigmatisation menée contre la radio et l'ensemble de son équipe.
Condamnant cette arrestation, la Fédération tunisienne des directeurs de journaux (FTDJ) a demandé la libération du directeur de Mosaïque FM et a exprimé son “inquiétude quant au statut du secteur des médias et de la communication en Tunisie”. Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a, pour sa part, organisé une “journée de colère” le 16 février avec un sit-in place de la Kasbah, où siège le gouvernement. Pointant des attaques visant la liberté de la presse et la pérennité des médias, son président, Mehdi Jelassi, a déclaré : “Cette bataille de la survie implique un engagement de tous.”
La situation des libertés de manière générale et de la presse en particulier ne cesse de se dégrader en Tunisie depuis l’accession au pouvoir, en 2019, du président Kaïs Saïed. La suspension du Parlement en mars 2022, huit mois après avoir gelé ses activités pour s'arroger les pleins pouvoirs en juillet 2021, et l’adoption d’une nouvelle Constitution en juillet 2022 malgré une forte abstention ont fragilisé le pays. En outre, le décret-loi criminalisant les “fausses nouvelles” publié en septembre 2022, et dont RSF a demandé l’abrogation, a suscité de sérieuses et légitimes inquiétudes tant au sein des médias que de la société.
La Tunisie occupe le 94e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.