Tunisie : des parlementaires d’extrême droite attaquent le secteur des médias
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement les attaques menées par des parlementaires de l’extrême droite populiste contre les membres de la Haute autorité audiovisuelle tunisienne et des journalistes.
Près d’une centaine de partisans du député d'extrême droite populiste et fondateur de la radio pirate Quran Karim, Saïd Jaziri, ont encerclé, lundi 7 décembre, le siège de la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle (Haica) pour protester contre son refus d’accréditer ce média, considéré comme un outils servant la propagande du parti de son fondateur, en totale contradiction avec les dispositions prévues dans le cahier des charges des radios en Tunisie.
A coup de slogans accusant les membres et les employés de la Haica de blasphème, les protestataires ont été mobilisés par le député Saïd Jaziri, qui diffuse sur les ondes un discours d’incitation à la haine et à la violence à l’encontre de l’Autorité audiovisuelle tunisienne. La radio est en principe suspendue, mais Quran Karim continue d'émettre sur toute la région du Grand Tunis de manière clandestine depuis une ferme située à Mornag, dans le gouvernorat de Ben Arous à une vingtaine de kilomètres de la capitale.
Dans la soirée du 7 décembre, un autre représentant de l’extrême droite populiste, Seifeddine Makhlouf, chef du groupe parlementaire Al Karama, a agressé verbalement des journalistes de la télévision nationale Al Wataniya, qui animaient une émission sur les violences politiques dans l’enceinte du Parlement. Dans un live sur Facebook, le parlementaire les a insultés en les traitant de “menteurs” et de “canailles voulant détruire le pays et la révolution”, avant d’ajouter : “Les médias publics tunisiens sont des médias de la honte… Vous êtes des corrompus… Vous ne servez à rien, même mon live sur Facebook a plus d’audience que le vôtre."
“Ces attaques contre la presse de la part de parlementaires ne sont pas dignes de la démocratie tunisienne, a déclaré le directeur du bureau Afrique du Nord de RSF, Souhaieb Khayati. La liberté de la presse a été l’acquis le plus immédiat de la révolution tunisienne, elle ne doit pas être confisquée par des parlementaires qui ne respectent pas les lois du pays. La présidence du Parlement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour sanctionner tous propos ou menaces contre les médias ou leurs représentants.”
Le chef du groupe parlementaire Al Karama, Seifeddine Makhlouf s’était déjà attaqué au présentateur de l'émission télévisée d'investigation ‘Les Quatres Vérités’, Hamza Belloumi, qui avait révélé, en février 2019, une affaire de pédophilie impliquant une école coranique. Début octobre, le chef d’Al Karama avait diffusé sur Facebook un montage montrant le visage du journaliste avec les yeux coloriés en rouge, une référence au diable, l’accusant de blasphème, une accusation très grave, l’islam punissant le blasphème de la peine de mort.
La Tunisie est 72e sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.