Tués parce qu’ils sont journalistes : la rigueur des chiffres
Reporters sans frontières (RSF) comptabilise, en permanence et partout dans le monde, le nombre de journalistes victimes d’exactions du fait de leur qualité de journaliste : tués, détenus, otages, victimes de disparitions forcées. Une méthodologie rigoureuse au service d’une cause : protéger les journalistes, lutter contre l’impunité des crimes les visant, les soutenir dans leur travail.
Pourquoi RSF comptabilise, au 1er décembre, au moins 13 journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions, et 56 journalistes tués au total, à Gaza, depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas ? Que racontent ces chiffres ?
Depuis 1995, le bilan annuel des exactions commises contre les journalistes se fonde sur des données établies par RSF à l’international après une collecte minutieuse d’informations permettant d’affirmer avec certitude, ou du moins avec une très forte présomption, que la mort, la détention ou l’enlèvement d’un journaliste est une conséquence directe de l’exercice de sa profession : c’est à dire qu’il travaillait au moment où il a été victime de cette exaction ou qu’il a été ciblé parce qu’il était journaliste.
Partout dans le monde, RSF ne comptabilise pas les journalistes tués en dehors de leurs fonctions ou ceux dont les circonstances de la mort demeurent inconnues.
Pour produire ses chiffres, RSF recueille tous les éléments possibles sur les circonstances de la mort de chaque journaliste, avec un réseau de correspondants dans 160 pays. Sont intégrés au baromètre (outil de suivi) et au bilan annuel (publié mi-décembre) les cas pour lesquels l’organisation dispose d’un faisceau d’indices ou d’éléments probants permettant de considérer que les reporters ont été tués (ou emprisonnés) du fait de leur qualité de journaliste (dans l'exercice de leur fonction ou en raison de celle-ci).
“La rigueur de la méthodologie de RSF fait sa force. Il ne s’agit pas d’une agglomération de chiffres collectés auprès de tiers mais d’un décompte effectué avec minutie et rigueur par notre équipe, sur la base de vérifications factuelles, avec un critère essentiel : une décision fondée sur des faisceaux d’indices ou des éléments probants. Nous considérons que la charge de la preuve nous revient. Nous ne serions pas sérieux à nous montrer maximalistes en présumant que les journalistes tués le sont dans l’exercice de leurs fonctions. Ceux qui essaient de lancer une bataille de chiffres se trompent de combat.
Par exemple, s’agissant de Gaza, RSF dénombre au 1er décembre au moins 13 journalistes dont l’organisation a pu établir avec un degré suffisant de certitude qu’ils ont été tués parce qu’ils étaient journalistes. Nous continuons sans relâche d’enquêter pour identifier les circonstances de la mort de tous les reporters : la maison de tel journaliste a-t-elle été ciblée ? Était-il en train de travailler ? A-t-il été visé en raison de son métier ? Une recherche qui, comme on l'imagine, est complexe et prend du temps.
Par ailleurs, concernant Gaza, RSF informe systématiquement sur le nombre total de journalistes tués : 56, au 1er décembre, à Gaza, selon nos informations.
Ce travail statistique permet d’appuyer notre plaidoyer public et institutionnel pour lutter contre l’impunité des crimes contre les journalistes. Depuis le 7 octobre, l’organisation a, notamment, déposé plainte auprès de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre commis contre des journalistes à Gaza, la troisième plainte depuis 2018.