Dans la jeune démocratie qu’est le Timor oriental, aucun journaliste n'a jamais été emprisonné pour son travail. Mais la loi sur les médias, adoptée en 2014, pèse telle une épée de Damoclès sur les journalistes et les pousse à l'autocensure.
Paysage médiatique
Cette ancienne colonie portugaise, envahie par l'Indonésie en 1975, a obtenu son indépendance à la suite d’un référendum d’autodétermination en 1999. Aujourd’hui, avec de nombreuses publications en langue tetum, en portugais ou même en anglais, comme les hebdomadaires de référence Timor Post et Dili Post, ou les quotidiens Suara Timor Lorosae et Independente, les médias du pays sont parmi les plus libres de la région. Le principal radiodiffuseur est la Radio Televisaun Timor Leste. De nombreux médias en ligne ont été créés, tels que l'agence de presse, qui concurrence les médias traditionnels et conventionnels. Le Conseil de la presse et l'association des journalistes du pays organisent des formations et disposent de leur propre organisme de vérification des faits, soutenu par l'UNESCO.
Contexte politique
Le pouvoir exécutif se décline dans une dyarchie président / Premier ministre qui, au fil de la courte histoire du Timor indépendant, a permis de limiter les atteintes à la liberté de la presse. Cette dernière est toutefois considérée par le personnel politique avec une certaine méfiance, comme en témoignent plusieurs projets de loi hostiles à celle-ci, dont celui présenté en 2020 visant à faire de la diffamation contre des représentants de l’État ou de l’Église catholique un crime passible de trois ans de prison. Les associations de journalistes et le Conseil de la presse condamnent fréquemment la politisation du radiodiffuseur public et de l'agence de presse du pays, notamment les nominations par le gouvernement de proches du parti au pouvoir à des postes clés dans ces médias publics.
Cadre légal
La liberté de la presse et d'expression est protégée par les articles 40 et 41 de la Constitution. Bien que le Code pénal de 2009 ait dépénalisé la diffamation, le détournement de l'article 285, qui couvre la “dénonciation calomnieuse”, menace toujours les journalistes dans les cas de différends impliquant les médias. L'instauration d'un Conseil de la presse, en 2015, a vocation à permettre une résolution pacifique des litiges liés au journalisme, même si le processus d'élection de ses membres manque encore de transparence. En 2021, le bureau du procureur général a rédigé un projet de loi sur la cybercriminalité, qui a été soumis au Parlement sans consultation du Conseil de la presse et des associations de journalistes. Bien que le projet n'ait finalement pas été voté, les organisations de médias ont dénoncé le manque de transparence de la procédure.
Contexte économique
Selon la loi, les médias timorais sont tenus d’être transparents sur leur propriétaire, et ne doivent pas être détenus à plus de 30 % par des fonds étrangers. En dehors de Dili, la capitale, les tirages papier sont très faibles, notamment en raison du prix élevé des journaux par rapport au faible pouvoir d'achat, de l'analphabétisme et aux problèmes de distribution dans l’ensemble du pays. Les défis techniques et l'accès limité à Internet entravent la portée de la télévision et des médias en ligne dans les zones rurales, ce qui fait de la radio une source d'information essentielle. L'absence d'une industrie solide dans le pays représente un défi important pour les médias, qui, pour la plupart, dépendent de la publicité gouvernementale.
Contexte socioculturel
Une culture de la déférence et du respect de la hiérarchie continue d'imprégner le journalisme, au point que certains rédacteurs se contentent de reproduire les comptes-rendus de conférences de presse. Il subsiste des cas où les journalistes sont même rémunérés pour assister à ces conférences. Le poids de l’Église catholique, suivie par plus de 95 % de la population, peut décourager les journalistes de couvrir certains sujets sensibles, comme l’émancipation des femmes, le droit à l’avortement ou la pédophilie dans le clergé.
Sécurité
Les journalistes sont généralement en mesure de couvrir l'actualité librement et sont rarement victimes de harcèlement ou d'agression. Ils n’en demeurent pas moins confrontés à un large éventail de pressions qui les empêchent d'exercer librement leur profession : poursuites judiciaires et intimidations, violences policières ou dénigrement public des médias par les responsables politiques.