Tanzanie : “Erick Kabendera doit avoir accès à des soins médicaux et être libéré dans les plus brefs délais” (RSF)
Alors que le journaliste d’investigation doit comparaître ce mercredi pour sa huitième audience, RSF condamne son arrestation arbitraire depuis plus de trois mois et demande aux autorités tanzaniennes sa remise en liberté ainsi qu’un accès immédiat à des soins médicaux appropriés.
Après avoir vu son procès reporté à plusieurs reprises depuis le 19 août, et alors que son état de santé reste préoccupant, Erick Kabendera va comparaître pour la huitième fois ce mercredi 20 novembre devant le Tribunal de première instance de Kisutu à Dar es-Salaam. Ce journaliste d’investigation, pigiste pour plusieurs médias renommés comme The Guardian ou The East African, avait été arrêté le 29 juillet dernier par six hommes en tenue civile. D’abord interrogé sur sa nationalité, poursuivi ensuite pour sédition, il est désormais accusé de blanchiment d’argent, évasion fiscale et crime organisé. Selon l’accusation, l’affaire fait toujours l’objet d’une enquête.
Le journaliste est connu pour avoir mené plusieurs enquêtes sur la gouvernance et la situation économique du pays. Le 20 juillet 2019, il signait un article faisant état des tensions au sein du parti de la majorité au pouvoir et l’existence d’un complot présumé pour empêcher le président John Magufuli de briguer un deuxième mandat.
Depuis son incarcération, il est apparu à plusieurs reprises boitant lors de ses audiences. Il souffre de problèmes respiratoires et présente des signes de paralysie au niveau des jambes. Son avocat a indiqué à RSF qu’il essaye d’obtenir une autorisation de la part des autorités pour que le journaliste puisse recevoir le traitement dont il a besoin. Concernant l’issue de l’audience de mercredi, son avocat a confié qu’il n’en attendait “pas beaucoup” de la décision du tribunal.
“Les audiences se succèdent sans aborder le dossier sur le fond faute de preuves et le journaliste n’a toujours pas reçu de soins médicaux appropriés, dénonce Arnaud Froger responsable du bureau Afrique de RSF. L'acharnement dont il fait l’objet doit prendre fin. Ni les poursuites montées de toute pièces ni son état de santé ne peuvent justifier son maintien en détention provisoire. Ce journaliste doit être libéré dans les plus brefs délais”.
Depuis 2015, et l’arrivée au pouvoir de John Magufuli, la situation de la liberté de la presse en Tanzanie s’est dégradée de manière significative. L’intimidation et la répression contre les journalistes a augmenté, des reporters sont régulièrement arrêtés, certains médias sont suspendus et plusieurs lois qui visent à restreindre la liberté d’expression et d’information ont été adoptées.
Ce jeudi 21 novembre marquera par ailleurs l’anniversaire de la disparition du reporter Azory Gwanda, disparu depuis maintenant trois ans, alors qu’il enquêtait sur des assassinats suspects de fonctionnaires locaux. Le Ministre des affaires étrangères tanzanien avait déclaré en juillet dernier, et sans explications, que le journaliste était mort, avant de finalement revenir sur ses propos. L’affaire ne semble pas faire l’objet d’une enquête sérieuse et aucun élément n’a encore été donné par les autorités.
La Tanzanie (118e sur 180 pays) a perdu 47 places au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF depuis 2016.