RSF s'insurge contre la confirmation des peines de prison de deux journalistes

La Cour d’appel d’Ankara a rejeté l’appel des journalistes Müyesser Yildiz et Ismail Dükel de leur condamnation à la prison pour “obtention” ou “divulgation d’informations confidentielles” dans le cadre de leur enquête sur l’intervention militaire de la Turquie en Libye et en Syrie en novembre 2019. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités turques de mettre fin à cet acharnement judiciaire et aux entraves à la liberté d’informer.

Dans une décision du 3 novembre 2022 rendue publique le 4 janvier, la cour d’appel départementale de la capitale Ankara estime que les condamnations des deux journalistes prononcées le 8 mars 2021 par la cour d’assises d’Ankara sont conformes au droit. À l'issue d’une audience en présence de RSF, le tribunal avait condamné la représentante d’Ankara du site d’information OdaTV Müyesser Yildiz à trois ans, sept mois et dix jours de prison pour “obtention et divulgation d’informations confidentielles relatives à la sécurité de l'État”, et son homologue de la chaîne critique Télé1 Ismail Dükel à un an et quinze jours de prison pour simple “obtention d’informations confidentielles”. 

Cela fait plus de deux ans déjà que la vie de Müyesser Yildiz est bouleversée par une procédure sans fondement, qui a mis en évidence le fait qu'elle faisait l'objet d'écoutes illégales. Quant à Ismail Dükel, il a été condamné à la prison pour le seul fait d’avoir reçu des appels d’un sous-officier. Ces deux affaires rappellent tristement qu’en Turquie, le moindre prétexte est utilisé pour dissuader les journalistes d’investigation de faire leur travail.

Erol Önderoglu
Représentant de RSF en Turquie

Il est reproché à Müyesser Yildiz d’avoir eu des conversations téléphoniques avec le sergent-major de l’armée de terre Erdal Baran, concernant l’intervention de la Turquie en Libye et en Syrie. Incarcérée pendant six mois à partir du 11 juin 2020, elle a été remise en liberté le jour de sa condamnation, dans l’attente de son jugement en appel.  

Interpellé en même temps que sa consœur le 8 juin 2020, puis remis en liberté sous contrôle judiciaire trois jours plus tard, Ismail Dükel est également condamné pour avoir reçu des informations de la même source, à savoir du sous-officier, qui a lui-même été condamné dans cette affaire.  

Alors qu’Ismail Dükel ne risque pas l’emprisonnement, car il est poursuivi simplement pour avoir obtenu des informations confidentielles, Müyesser Yildiz, qui les a aussi divulguées, pourrait retourner en prison pour “compléter sa peine”, si la Cour de cassation d’Ankara, saisie par ses avocats, confirmait le verdict. Cette procédure en dernier recours pourrait prendre un an ou plus. 

En septembre 2020, Müyesser Yildiz avait déjà été condamnée par un tribunal d’Ankara à des dommages-intérêts pour “atteinte à la personne” du ministre de la Défense Hulusi Akar, après la publication le 27 avril 2018 d’un article citant les révélations d’un “témoin secret” des procès post-putsch qui accusait Hulusi Akar de “faire partie de l’organisation du FETÖ”, désignée responsable du coup d’État avorté de juillet 2016. 

La journaliste avait aussi passé 18 mois derrière les barreaux en 2011,avec les journalistes d’OdaTV Baris Terkoglu et Baris Pehlivan. À l’époque, il leur avait été reproché de soutenir l’organisation Ergenekon, un cercle politique nationaliste et ils avaient été accussé par Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre, de vouloir déstabiliser le gouvernement. Les trois professionnels de l’information avaient finalement été acquittés.

La Turquie occupe la 149e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2022 établi par RSF.

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