RSF rappelle aux États Unis que Karl Penhaul est un journaliste, pas un terroriste!

Les États-Unis ont inclu un journaliste britannique sur la “no-fly” liste, liste destinée à empêcher les personnes considérées comme “terroristes” d’entrer sur le territoire américain. Ce journaliste, Karl Penhaul, ne peut toujours pas voyager aux États-Unis. Reporters sans frontières (RSF) appelle le gouvernement américain à mettre fin au plus vite à cette situation absurde, qui contrevient gravement à la liberté de la presse.

Karl Penhaul est un journaliste britannique connu et respecté, qui a été inclus sur la “no-fly list” en janvier 2014 du fait de son travail de journaliste. Ses contacts professionnels en Colombie sont à l’origine des inquiétudes infondées du gouvernement américain. La “no-fly list” a été créée après les attentats du 11 septembre 2001 par le gouvernement américain pour identifier et inclure les personnes interdites d’embarquer sur un vol commercial destiné à voyager à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis.


Karl Penhaul a introduit un recours auprès du ministère américain de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security, DHS). Au printemps 2016, le DHS lui a notifié que son dossier avait été corrigé, selon toute vraisemblance un retrait de son nom de la “no-fly list”. Néanmoins, Karl Penhaul est toujours interdit de voyage aux États-Unis, puisque le Département d’État n’a, quant à lui, pas revu sa demande de visa depuis des mois.


RSF appelle le Département d’État à mettre fin immédiatement à cette situation absurde. L’inclusion de Karl Penhaul sur cette liste et son impossibilité de voyager aux Etats-Unis constituent des atteintes graves au libre exercice de sa profession de journaliste aux États-Unis, le pays du Premier Amendement. Ceci envoie un signal inquiétant à tous les journalistes américains et étrangers qui couvrent des sujets sensibles et d’intérêt primordial pour le public. Cette affaire établit un précédent inquiétant pour la liberté de la presse et souligne le besoin pour l’administration américaine de revoir en profondeur les profils des journalistes avant de les considérer comme ‘terroriste’”, dit Delphine Halgand, directrice du bureau de RSF aux États-Unis.


Karl a vécu et travaillé en Colombie entre septembre 1996 et 2014 et a cultivé des contacts avec plusieurs sources locales y compris au sein des FARC. Les activités des FARC sont d’un grand intérêt pour la communauté internationale et le public américain. Karl a travaillé pour plusieurs médias et agences de presse comme Reuters, The San Francisco Chronicle, The Boston Globe, U.S. News and World Report, et surtout CNN et Univision. Il a reçu et a fait partie des équipes de CNN qui ont gagné les prix journalistiques les plus prestigieux, comme le Peabody en 2006, le Prix Bayeux des Correspondants de Guerre en 2010, et un Emmy Award en 2006, parmi d’autres. Le travail journalistique de Karl en Irak, au Liban, à Gaza, en Egypte et en Amérique Latine a contribué directement à informer le public américain.


Il est profondément troublant au niveau personnel et préjudiciable au niveau professionnel d’avoir été effectivement classé comme un ‘terroriste’ par l’administration américaine à cause de mon travail de journaliste, a déclaré Karl Penhaul à RSF. Il y avait un intérêt public important à informer les contribuables américains sur comment leur argent est dépensé dans la lutte contre la contre-insurrection et le trafic de drogue en Colombie. Il est de la responsabilité de la presse d’éclairer les sujets de reportage sous tous les angles.


Karl Penhaul n’est pas le premier journaliste étranger à avoir été interdit de voyager aux États-Unis à cause de son activité journalistique sur des sujets sensibles. Manuel Martorell, journaliste espagnol de renom, ancien rédacteur en chef du journal El Mundo et historien spécialiste du Kurdistan, s’est vu refusé un visa de touriste pour un séjour aux États-Unis avec sa famille en mai 2015. Quand il a essayé d’obtenir son visa, on lui a demandé de remplir un questionnaire sur son histoire personnelle et familiale. Trois mois plus tard, il a reçu une lettre du Département d’État l’informant que sa demande de visa avait été rejetée puisqu’il aurait “potentiellement participé à des activités terroristes”. RSF réitère son appel au gouvernement américain à agir rapidement pour résoudre la situation de Manuel Martorell.


Malgré de multiples échanges depuis plusieurs mois entre RSF et le Département d’État, ni Karl Penhaul ni Manuel Martorell n’ont vu leurs situations résolues pour le moment.


Les États-Unis sont 41es sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse que RSF a publié en 2016.


Photo credit: Brendan Smialowski / AFP

Publié le
Updated on 01.09.2016