Interruption de Radio Free Asia : des millions de personnes privées d’un accès à une information fiable

Reporters sans frontières (RSF) s’alarme de l’interruption des services en ondes courtes de Radio Free Asia en mandarin, tibétain et laotien, qui sont la seule source d’information fiable dans certaines régions où l’accès à l’information est strictement contrôlé par les régimes en place. Le Congrès américain doit se mobiliser pour rétablir RFA et ainsi respecter ses engagements en faveur de la liberté de la presse dans le monde.
Début avril 2025, Radio Free Asia (RFA) a annoncé l’interruption de ses programmes sur ondes courtes pour ses services en mandarin, tibétain et laotien, après l’interruption des transmissions via des stations relais détenues ou louées par le gouvernement des États-Unis. Ces coupures interviennent à la suite de la signature par Donald Trump, le 14 mars, du décret mettant fin aux subventions fédérales allouées à l'Agence américaine pour les médias mondiaux (USAGM), et paralysant de fait cet organisme qui finance des médias essentiels, dont RFA.
“Avec l’arrêt des programmes en mandarin, en tibétain et en laotien, ce sont des millions de personnes qui perdent une source cruciale d’informations fiables. Le démantèlement de RFA est une décision injustifiable qui risque de transformer des régions entières, comme le Tibet, en véritables trous noirs de l’information. RSF appelle le Congrès américain et la communauté internationale à se mobiliser face à cette situation alarmante.
Fondée en 1996, la station diffuse des informations dans des pays et régions d’Asie où la liberté de la presse est fortement restreinte, voire inexistante, comme la Corée du Nord, la Chine, le Laos, la Birmanie et le Vietnam.
En Chine, RFA reste l’un des rares médias à documenter les violations des droits humains au Tibet, l'une des régions les plus fermées au monde en termes d'accès à l’information, en raison de la répression menée par Pékin. Selon Lhakpa Kyizom, correspondante de RSF pour le Tibet, “la fermeture du service tibétain de RFA portera gravement atteinte à l’accès des Tibétains de l’intérieur du Tibet à une information non censurée, notamment dans leur dialecte local, car en émettant dans les trois principaux dialectes tibétains, ce service touchait une large partie de la population. Sa disparition nuira non seulement à l’accès à l’information pour les Tibétains, mais aussi à la façon dont le monde entend parler du Tibet via RFA.”
D’autres services de RFA fortement réduits
Les services de RFA en birman, khmer, coréen et ouïghour ont eux aussi été fortement réduits, malgré des besoins criants. En Birmanie, l’accès aux informations diffusées par RFA se raréfie au moment où la population, durement touchée par un récent tremblement de terre dévastateur, dépend plus que jamais de sources fiables pour s’informer.
Selon la correspondante de RSF pour la Birmanie, qui souhaite rester anonyme, “la radio a toujours représenté une bouée de sauvetage essentielle pour la population birmane, particulièrement face aux coupures d’Internet imposées par la junte militaire. Même dans les zones les plus isolées, les programmes de RFA ont réussi à maintenir un lien vital avec l’information, notamment durant les périodes de crise. Aujourd’hui, alors que le pays vient d’être frappé par un puissant séisme en pleine instabilité politique, l’accès à une information fiable est plus crucial que jamais. Supprimer un média aussi essentiel dans un contexte de catastrophe n’est pas seulement une atteinte à la liberté de la presse : c’est une question de vie ou de mort. La population a besoin de savoir où trouver un abri, où se situent les secours, comment se protéger, et RFA était l’une des rares sources à leur fournir ces informations.”
Recours juridiques pour protéger les journalistes de l'USAGM
Le 27 mars, Radio Free Asia a intenté une action en justice, cherchant à rétablir ses financements au motif que la résiliation violait les lois fédérales. Quelques jours plus tôt, la direction du groupe avait été contrainte de mettre en congé sans solde la majorité de son personnel. Malgré la réduction de son personnel, RFA continue de fournir une couverture limitée des informations sur son site web et ses plateformes de médias sociaux dans les neuf langues qu'elle sert.
Le décret signé par Donald Trump affecte aussi d’autres médias financés par l’USAGM, comme Current Time TV, une chaîne télévisée indépendante en langue russe, fruit d’une collaboration entre Voice of America (VOA) et Radio Free Europe (RFE). La chaîne a dû interrompre sa diffusion par satellite, mais reste accessible en ligne et via le bouquet satellitaire Svoboda, géré par RSF.
RSF reste pleinement engagée pour défendre les journalistes de l’USAGM. Le 28 mars, un juge américain a fait droit à la demande en référé de suspension de la dissolution de VOA formulée dans le cadre de la plainte déposée par RSF avec une coalition d'employés de VOA et leurs syndicats pour arrêter le démantèlement du média de service public.