Alors que l'Union européenne s'apprête à signer un accord d'association avec l'Algérie, RSF demande à Bruxelles de faire pression sur l'Algérie afin que la liberté de la presse soit respectée. La situation s'est sensiblement détériorée depuis un an.
Dans une lettre adressée à Josep Piqué, ministre espagnol des Affaires étrangères qui signera, le 22 avril prochain à Valence, l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Algérie, Reporters sans frontières (RSF) a rappelé que "cet accord comprend une clause (article 2) concernant les droits de l'homme". "Cette clause, qui constitue un élément essentiel de l'accord, a été, jusqu'à présent, ignorée dans le cadre par exemple des accords d'association entre l'Union européenne et la Tunisie, ou entre les instances de Bruxelles et Israël, deux pays récemment épinglés pour leurs violations des droits de l'homme."
RSF a demandé au ministre "d'utiliser cet article comme un moyen de pression auprès des autorités algériennes" et "d'exhorter ce pays à prendre plusieurs engagements afin que la liberté de la presse soit garantie". A savoir, mettre un terme à toute forme de harcèlement à l'encontre des journalistes, mener et rendre publiques des enquêtes sur les brutalités policières à l'encontre des journalistes et des enquêtes sur les disparitions des journalistes, réviser les amendements du code pénal sur les affaires de presse et mettre fin à l'arbitraire relatif à l'autorisation de parution de nouveaux titres.
Pour étayer ses inquiétudes, RSF a dressé un bilan de la situation de la liberté de la presse dans le pays. L'organisation a rappelé que, en mai 2001, le parlement algérien avait modifié le code pénal et alourdi les peines et amendes pour diffamation par voie de presse. Un durcissement de la législation qui s'est traduit par de nombreuses poursuites contre des journalistes de la presse privée.
Durant les quatre premiers mois de l'année, de nombreux journalistes ont ainsi été entendus par la police judiciaire suite à des plaintes du ministère de la Défense pour "diffamation". Le 25 janvier 2002, le caricaturiste Ali Dilem a été entendu par la police judiciaire pour un dessin brocardant les militaires, publié en novembre 2001 dans le quotidien francophone Liberté. Le ministère de la Défense avait jugé le dessin "diffamatoire et attentatoire à la considération de hauts responsables de la hiérarchie militaire".
Au cours des manifestations qui ont ponctué l'année écoulée, les journalistes ont également souvent été l'objet de menaces, de coups ou se sont vu confisquer du matériel. Le 13 mars 2002, à Tizi Ouzou, alors qu'il couvrait des réactions de rue suite à un discours du président Bouteflika, Lotfi Bouchouchi, correspondant en Algérie de la chaîne de télévision française TF1, a été grièvement blessé par une grenade lacrymogène tirée du fusil d'un gendarme. Le journaliste a été touché alors qu'il n'était plus au milieu des manifestants et qu'il était clairement identifiable comme cameraman.
Quant à l'hebdomadaire arabophone El Mouaad el Djazairi, dont le numéro daté du 26 novembre 2001 avait été retiré de la vente après distribution, il n'est plus reparu depuis. Par ailleurs, plusieurs entrepreneurs de presse n'ont pu obtenir d'autorisation pour éditer de nouveaux titres. La création, entre-temps, d'autres titres laisse penser qu'il existe une politique de deux poids deux mesures de la part des autorités qui procéderaient à une sélection.
Il y a quatre ans, pratiquement jour pour jour, Aziz Bouabdallah (voir photo), journaliste du quotidien arabophone El-Alam Es-Siyassi, disparaissait à Alger. Avant lui, quatre autres professionnels des médias, Mohamed Hassaïne, Kaddour Bousselham, Djamil Fahassi et Salah Kitouni, connaissaient le même sort. A l'issue d'une enquête menée sur le terrain en janvier 2001, Reporters sans frontières avait conclu que trois de ces disparitions, dont celle d'Aziz Bouabdallah, étaient l'œuvre des services de sécurité. Depuis 1995, date de la première disparition, aucune enquête sérieuse n'a été menée par les autorités.