RSF exhorte le gouvernement canadien à respecter la confidentialité des sources dans l’affaire contre le journaliste de VICE
Reporters sans frontières (RSF) a rejoint une coalition de médias et d’organisations de défense des libertés qui se prononcera lors du pourvoi en appel de VICE News. Conformément à une décision de justice rendue en mars 2016, le journaliste de VICE, Ben Makuch, doit remettre à la gendarmerie royale (RCMP) l’intégralité de ses communications avec un présumé terroriste de l’organisation de l’Etat islamique. Alors que les plaidoiries doivent débuter lundi devant la cour d’appel de l’Ontario, RSF appelle le gouvernement canadien à annuler son ordonnance de production contre Ben Makuch, car elle constitue une grave menace envers la liberté de la presse.
La décision de justice de mars dernier, qui exige que ce journaliste remette ses informations à la RCMP, a des conséquences effrayantes pour la liberté de la presse et crée un dangereux précédent en matière d’indépendance des journalistes, de protection de leurs sources et de droit à l’information, plaide la coalition. Cette dernière regroupe RSF, ses partenaires locaux Journalistes canadiens pour la liberté d'expression (CJFE), Canadian Association of Journalists (CAJ) et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), ainsi que plusieurs médias canadiens et organisations de défense des libertés individuelles.
«Si elle est confirmée, cette décision de justice permettrait à la police canadienne d’obtenir plus facilement des notes et des enregistrements de la part de journalistes. C’est pourquoi RSF a choisi de se prononcer en faveur de l’appel de VICE, déclare Delphine Halgand, directrice du bureau Amérique du Nord de RSF. Le Canada traverse actuellement une période de crise en matière de liberté de la presse. Nous sommes profondément préoccupés par les récentes atteintes au respect de l’indépendance des journalistes, à la confidentialité de leurs sources, ainsi qu’à leur capacité à exercer leur profession en toute liberté sans craindre d’être surveillés, suivis, ou même arrêtés.»
L’affaire Ben Makuch s’inscrit dans une série d’évènements récents qui menace la liberté de la presse au Canada et qui inquiète RSF.
En septembre dernier, l’ordinateur de Michaël Nguyen, journaliste au Journal de Montréal, a été saisi par la Sûreté du Québec. Cette perquisition faisait suite aux déclarations du Conseil de la magistrature, qui avait affirmé qu’une information provenant de son site Internet avait été publiée illégalement et avait dénoncé une « infraction » de son système de sécurité en ligne. Toutefois, un journaliste du quotidien québécois La Presse a par la suite indiqué avoir eu accès aux mêmes documents sans jamais avoir rencontré la moindre mesure de sécurité. En octobre dernier, Justin Brake, journaliste et rédacteur en chef à The Independent, a appris qu’il risquait d’être accusé de violation de propriété privée en raison de sa couverture des manifestations contre un projet hydroélectrique à Muskrat Falls, dans la région Terre-Neuve-et-Labrador. Enfin, toujours en octobre, le journaliste de La Presse, Patrick Lagacé, a révélé qu’il avait été mis sous surveillance par le service de police de la ville de Montréal (SPVM) depuis début 2016. Quelques jours après cette révélation, au moins six autres journalistes ont découvert qu’ils avaient fait l’objet d’une surveillance de la part de la Sureté du Québec en 2013.
Le Canada est 18ème sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse que RSF a publié en 2016, après avoir chuté de 10 places en 2015.