RSF demande la libération de la journaliste indienne Revathi Pogadadanda
Arrêtée pour des motifs parfaitement incohérents, elle est en détention depuis cinq jours. Reporters sans frontières (RSF) exige sa libération immédiate, et s’inquiète d’un climat d’hostilité grandissant à l’encontre de l’ensemble des reporters indiens.
En garde à vue pour des pseudo ”insultes”… La journaliste et ancienne directrice de Mojo TV, Revathi Pogadadanda, a été interpellée à son domicile, vendredi 12 juillet au matin, par la police d’Hyderabad, la capitale du Telangana, en Inde du sud. Dans une série de tweets, elle a décrit en direct les conditions de cette arrestation : “Des flics à ma porte. Ils veulent m’arrêter sans le moindre mandat. [...] Ils disent que j’ai créé un trouble à l’ordre public !”
En fait de trouble, la journaliste aurait commis le crime d’avoir “insulté” l’invité d’un débat qu’elle animait sur Mojo TV en janvier dernier, consacré à l’autorisation récemment donnée aux femmes de pénétrer dans un temple hindou. Elle avait simplement défendu le droit des femmes. Pour justifier son arrestation, la police a invoqué la section 504 du Code pénal et la “loi sur la prévention des atrocités commises contre les castes et les tribus” - sans donner davantage d’explication. Sa détention provisoire peut durer jusqu’à quatorze jours.
“Placer une journaliste en garde à vue pour un motif si peu consistant relève clairement de la détention arbitraire, remarque Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF. Nous demandons la libération immédiate de Revathi Pogadadanda et la fin de toute forme d’intimidation à son endroit. Son interpellation est un signal d’autant plus préoccupant qu’elle intervient dans un contexte de détérioration, depuis le début du mois, de la situation des journalistes indiens, quelles que soient leur spécialité.”
Verrouillage
Le 6 juillet dernier, dans la ville de Valsad, dans l’ouest du pays, le responsable du bureau local du quotidien Gujarat Mitra, Harshad Ahir, a vu débarquer chez lui un ancien chef de village accompagné de deux complices. Les trois hommes ont violenté le journaliste, son épouse et leur fille de 18 mois. En cause : un simple article publié quelques jours auparavant, mettant en lumière la manque d’efficacité de travaux d’embellissement d’un étang.
La semaine dernière, c’est à New Delhi que les représentants de la presse politique et économique ont découvert les nouvelles régulations imposées par le ministère des Finances concernant l’accès des journalistes à son enceinte. Contrairement aux pratiques jusque-là généralisées, aucun journaliste, même dûment accrédité par le ministère, n’a désormais le droit de s’y rendre sans avoir auparavant obtenu un rendez-vous avec un fonctionnaire. Un moyen, selon de nombreux commentateurs, de verrouiller la communication politique du gouvernement en interdisant les échanges d’informations informels.
Mise en demeure ubuesque
Ce week-end, c’est une actrice de Bollywood, Kangana Ranaut, qui s’en est prise à deux institutions journalistiques, le Club de la presse indienne et l’Association des journalistes de divertissement. Dans une mise en demeure ubuesque publiée par ses avocats, elle menace de porter plainte contre les deux associations au motif qu’elles soutiennent, “de façon erronée, immorale, non-éthique et illégale” un journaliste de l’agence Press Trust of India, Justin Rao - journaliste que la comédienne avait récemment copieusement insulté en pleine conférence de presse. Dans une vidéo, elle affirme qu’une vaste partie de la presse serait constituée d’“ennemis de la nation”.
En chute de deux places par rapport à l’année passée, le pays se situe désormais à la 140e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.