Nouvelle provocation contre un journaliste d’opposition
Seymour Khazi est une plume connue du journal d’opposition
Azadlig. Il figure aussi parmi les présentateurs de l’émission “Azerbaycan Saati”, diffusée dans le pays sur Internet et par satellite. Il a été arrêté, le 29 août 2014, près de son domicile, dans le village de Djeïranbatane (aux environs de Bakou), suite à une altercation avec un inconnu. Agressé par ce dernier, Seymour Khazi s’est défendu avec une bouteille qu’il tenait à la main. La police, aussitôt sur les lieux, n’a dans un premier temps arrêté que le journaliste, mis en examen le lendemain pour “hooliganisme avec utilisation d’une arme ou d’un objet assimilé” (article 221.3 du code pénal) et placé en détention provisoire. Son agresseur, Maherram Hasanov, a été appréhendé à son tour le 3 septembre 2014 et mis en examen pour “hooliganisme”.
Son avocat comme ses collègues dénoncent une provocation. L’arrestation de Maherram Hasanov, d’après eux, ne vise qu’à donner l’impression d’une enquête équitable. Ce type de scénario est en effet régulièrement employé à l’encontre des journalistes indépendants et activistes d’opposition. Le rédacteur en chef d’
Azadlig,
Ganimat Zahid, avait lui aussi été arrêté en novembre 2007 et
condamné à quatre ans de prison pour “hooliganisme aggravé”, tandis que l’autre protagoniste de l’affaire n’était resté que six mois derrière les barreaux. Deux célèbres blogueurs,
Emin Milli et
Adnan Hadjizade, ont eux aussi passé quelques années en prison pour “hooliganisme”.
En mars 2011, Seymour Khazi
avait été enlevé et torturé pendant plusieurs heures par des inconnus qui lui avaient conseillé de se montrer “aussi intelligent et tranquille que les autres”.
La liberté de l’information en voie d’éradication
Déjà classé 160e sur 180 dans le dernier
Classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, le pays
a lancé depuis quelques mois une offensive sans précédent contre les derniers vestiges de la société civile. Le 5 septembre, le bureau local de l’ONG internationale IREX, active dans le soutien aux médias, a été perquisitionné à Bakou. Tout le matériel informatique et les documents de l’organisation ont été saisis. Comme ceux d’une quarantaine d’ONG, les comptes en banque d’IREX avaient été gelés au cours de l’été. Les dirigeants de plusieurs de ces ONG ont été incarcérés ; d’autres sont en fuite ou contraints de mettre un terme à leurs activités.
Lorsqu’elles sont impuissantes à neutraliser journalistes et acteurs de la société civile, les autorités n’hésitent pas à s’en prendre à leurs proches. Plusieurs d’entre eux ont déjà été victimes de ce chantage visant à convaincre les activistes de mettre un terme à leurs activités. Mourad Adilov, frère du journaliste
Natiq Adilov et lui-même militant du parti d’opposition Front populaire, a été arrêté le 12 août pour “recel de drogue” - un autre chef d’accusation très fréquemment employé dans les procès politiques. Natiq Adilov, correspondant d’
Azadlig et présentateur d’“Azerbaycan Saati”, a lui-même été refoulé par les gardes-frontières azerbaïdjanais, le 8 septembre, alors qu’il cherchait à se rendre en Géorgie. Les officiers ont déclaré que son passeport n’était “plus valide”, alors qu’il expire en 2020. De nombreux activistes, à l’image de Leyla Yunus, ont dernièrement été empêchés de quitter le pays, avant d’être arrêtés.
Le 29 août, au cours d’une conférence de presse, le chef de l’administration présidentielle Ramiz Mehdiev
a rappelé les médias à leurs devoirs : estimant que le journalisme devait être fondé sur le patriotisme et la loyauté à l’Etat, il a affirmé que toute personne “honnête et décente” ne pouvait que reconnaître les succès du régime. Toute critique, a-t-il poursuivi, est l’oeuvre de “réseaux anti-azerbaïdjanais” et de “forces hostiles” vouées à être écrasés. Ramiz Mehdiev a nommément désigné le quotidien
Azadlig et le service azerbaïdjanais de
Radio Free Europe,
Radio Azadlig, parmi les principaux membres de la “cinquième colonne” occupée à “discréditer” les autorités.
(Photo: Kavkazski uzel)