RSF condamne les arrestations arbitraires des voix dissidentes au Bahreïn
Alors que le journaliste et blogueur Ahmed Radhi a été libéré le 29 septembre 2014 après quatre jours de détention arbitraire, les autorités bahreïnies frappent à nouveau en arrêtant le 1er octobre le militant des droits de l’homme Nabeel Rajab pour des tweets jugés offensants pour les forces de sécurité. Ces arrestations s’inscrivent dans un climat de plus en plus difficile pour la liberté de l’information au Bahreïn.
Nabeel Rajab, célèbre activiste des droits de l’homme et président du Bahreïn Center for Human Rights, a été arrêté le 1er octobre 2014 pour avoir publié des tweets le 29 septembre jugés insultants pour le gouvernement. Interrogé au sein du ministère de l’Intérieur, Nabeel Rajab a reconnu avoir posté un tweet dans lequel il déclarait que de nombreux hommes qui ont grossi les rangs de l’organisation de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) en Syrie viennent des institutions sécuritaires du Bahreïn et que ces dernières ont été le premier incubateur idéologique. L’affaire a été renvoyée devant le ministère public.
Nabeel Rajab avait déjà été innocenté après avoir été poursuivi pour des tweets jugés diffamants en 2012. Il avait quand même purgé les deux tiers de sa peine de prison, soit deux mois, et était resté en détention jusqu’en mai 2014 pour trois autres affaires.
Dans la nuit du 25 septembre, plus de 30 membres des forces de sécurité - habillés en civils - se sont introduits de force au domicile du journaliste freelance et militant, Ahmed Radhi situé dans le quartier de Sanabis. Sans mandat d’arrêt, ils ont fouillé et saccagé les lieux avant d’arrêter le blogueur. Ils ont également confisqué tout son matériel électronique. Ahmed Radhi a pu prévenir sa famille 24 heures après son arrestation alors qu’il se trouvait au sein du département d’investigations criminelles (Criminal investigation directorate, CID). Selon nos sources, il avait été forcé de se déshabiller au sein du CID avant d’être photographié nu et avait été interrogé sur son activité en lien avec les médias.
Reporters sans frontières dénonce l’acharnement systématique des autorités contre les activistes défenseurs des droits de l’homme au Bahreïn. “Nous demandons à la justice bahreïnie d’abandonner les charges qui pèsent contre Nabeel Rajab, Ahmed Radhi et contre l’ensemble des acteurs de l’information arrêtés arbitrairement”, déclare Virginie Dangles, adjointe à la direction des Programmes de Reporters sans frontières. ”Nous exhortons les autorités bahreïnies à cesser d’exercer des pressions directes contre ceux qui osent relayer des opinions ou informations différentes de celles autorisées”.
Ahmed Radhi a été libéré sous caution le 29 septembre. Il collabore pour le journal libanais Al-Ahed et le journal indépendant bahreïni ManamaPost. Les motifs de son arrestation restent inconnus mais pourraient être liés à ses publications critiques sur Twitter et dans la presse envers le régime à l’approche des prochaines élections parlementaires au Bahreïn.
Le journaliste s’est récemment vu refuser l’entrée sur le territoire émirati alors qu’il se trouvait à l’aéroport de Dubaï le 29 juillet.
Il avait déjà été arrêté en mai 2012 et détenu pendant quatre mois officiellement pour “rassemblement illégal” et “trouble à l’ordre public” alors que son arrestation était liée à des déclarations faites sur BBC Arabic et sur la chaîne d’opposition Lulu TV, basée à Londres, où il critiquait le projet d’union entre l’Arabie saoudite et le Bahreïn. Torturé physiquement et psychologiquement en détention afin de faire des aveux forcés, il avait été libéré quatre mois plus tard sans jugement.
Autres arrestations arbitraires
Ghada Jamsheer, écrivaine et blogueuse, active militante pour le droit des femmes, a été arrêtée le 15 septembre dernier pour “diffamation” sur Twitter suite à des tweets dénonçant la corruption au sein de l’hôpital universitaire du “King Hamad”. Salman Attiyat Allah Al-Khalifa, membre de la famille royale et responsable de l’hôpital, a porté plainte. Ghada Jamsheer avait été convoquée au département d’investigations criminelles (Criminal investigation directorate, CID) le 9 septembre. D’après le Gulf Center for Human Rights, elle est interdite d’apparition dans les médias bahreïnis, et son site internet est bloqué depuis 2009. Son procès a eu lieu le 1er octobre.
La co-présidente du Gulf Center for Human Rights, Maryam Al-Khawaja, arrêtée le 30 août dernier à son arrivée à l’aéroport international de Manama, a été libérée le 18 septembre 2014 en attente de son procès qui devrait commencer le 5 novembre prochain devant la Haute Cour pénale. Elle est poursuivie pour avoir agressé une policière à l’aéroport, une accusation qu’elle nie catégoriquement. Selon son témoignage publié en ligne, elle a été interpellée à l’aéroport et emmenée dans une pièce où trois autres policières l’ont rouée de coups avant de l’arrêter. L’interdiction de quitter le territoire bahreïni a été levée à la demande de son avocat le 1er octobre lors de la comparution de l’accusée devant un tribunal de Manama.
Jugement confirmés
Reporters sans frontières est inquiète de la grave dégradation de la liberté d’information dans le pays et appelle la communauté internationale à faire pression sur le royaume.
Pour rappel, l’organisation avait déjà dénoncé la situation de 12 reporters d’images et blogueurs actuellement incarcérés au Bahreïn et demandé leur libération.
Hussam Suroor, photographe et caméraman de 17 ans arrêté le 4 septembre, a été condamné le 30 septembre à 10 ans de prison. Il avait été poursuivi pour agression d’un fonctionnaire, participation à des manifestations et possession de produits inflammables.
Mansoor Al-Jamri, 19 ans, qui avait été arrêté le 9 janvier 2014 et libéré début septembre dans l’attente de son jugement, a été condamné par contumace le 24 septembre à une peine de six mois de prison pour “attaque contre les forces de sécurité”.
Quelques jours plus tôt, le 21 septembre 2014, la cour d’appel de Manama a confirmé la peine à cinq ans de prison ferme prononcée en première instance en avril dernier contre le photojournaliste Hussain Hubail et le cyberactiviste Jassim Al-Nouaimi et sept autres militants chiites. Les neuf personnes ont été condamnées officiellement pour avoir propagé “par des moyens illégaux dans les médias et sur les réseaux sociaux” des informations appelant à des manifestations et au renversement du régime à l’occasion des manifestations de ‘Tamarod’ en juillet 2013. Dans une lettre envoyée le 17 septembre depuis la prison où ils sont actuellement détenus, ils décrivent les tortures infligées avant et pendant l’interrogatoire afin qu’ils fassent des aveux forcés. Ils ont entamé le 9 septembre une grève de la faim arrêtée le 24 septembre pour des raisons médicales.
Le photographe Ahmed Humeidan, qui a vu sa peine de 10 ans de prison confirmée en appel le 31 août dernier, a entamé, le 2 septembre 2014, une grève de la faim pour protester contre cette décision. Action à laquelle il a mis fin le 21 septembre dernier.
Reporters sans frontières rappelle que le Bahreïn figure à la 163e place sur 180 pays du Classement 2014 de la liberté de la presse.