Royaume-Uni : RSF s’inquiète d’une proposition de loi qui pourrait condamner les journalistes pour espionnage
Reporters sans frontières (RSF) exprime sa profonde préoccupation à l’égard de la nouvelle proposition de loi au Royaume-Uni, qui menace les journalistes d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 14 ans s’ils accédent à des documents officiels qui ont fait l’objet de fuites.
Dans un document de consultation de 326 pages récemment publié et intitulé « Protection des données officielles », la Commission du droit propose de remplacer la Loi sur les secrets officiels par une « Loi sur l’espionnage » mise à jour. Bien que cette proposition soit soumis à une consultation publique jusqu’au 3 avril, la Commission du droit a déjà élaboré les recommandations initiales sans engager de manière significative les ONG et les médias, excluant ainsi les principales parties prenantes d’une grave question d'intérêt public.
Selon la proposition, la loi redéfinirait l’espionnage comme « susceptible d’être commis par un individu qui communique non seulement des informations, mais aussi par un individu qui les obtient ou les réunit ». Il n’y aurait « aucune restriction quant à savoir qui pourrait commettre l’infraction » et la peine maximale d’emprisonnement pour ces infractions passerait de deux ans à quatorze ans, un chiffre stupéfiant. Le champ d’application de la loi serait également élargi pour inclure des informations qui nuisent au « bien-être économique ». Cette loi, si elle était votée, pourrait ainsi condamner les journalistes, et les défenseurs des droits de l’homme au titre d’ « espions ».
« L’attitude de plus en plus hostile du gouvernement britannique envers les journalistes et les dénonciateurs est alarmante, en particulier dans le contexte d’un certain nombre d’autres mesures inquiétantes contre la liberté de la presse ces derniers mois, déclare Rebecca Vincent, directrice du Bureau de RSF au Royaume-Uni. La crainte d’être qualifié d’espion et d’être potentiellement passible d’une longue peine d’emprisonnement pour un travail journalistique légitime serait un facteur de dissuasion grave pour de nombreux journalistes et aurait le même effet sur les médias, restreignant ainsi le droit du public d’accéder à l’information ».
Les nouvelles recommandations font suite à une récente consultation publique sur la problématique Section 40 du Crime and Courts Act 2013 relative à la réglementation de la presse, pour laquelle RSF et English PEN avaient fait une soumission commune et demander son abrogation.
Les propositions font également suite à l’adoption en décembre de la menaçante Loi sur les pouvoirs d’investigation, décrite par la Coalition « Don’t Spy on Us » (Ne nous espionnez pas) comme « la loi de surveillance la plus extrême de l’histoire du Royaume-Uni ». RSF a averti que la loi pourrait servir de « condamnation à mort pour le journalisme d’investigation » au Royaume-Uni. Combinée à la nouvelle proposition de loi sur l’espionnage, la menace pour le journalisme d’investigation est encore plus alarmante.
Le Royaume-Uni occupe la 38e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2016 établi par RSF.