Le 24 mars 2014, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies avait dénoncé - dans une résolution - les violations graves et répétées des droits de l’homme en Iran. Le Conseil avait alors décidé de prolonger d’un an le mandat du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran, Ahmed Shaheed, et demandé au Secrétaire général des Nations unies de présenter un rapport sur la situation des droits de l’homme devant l’Assemblée générale des Nations unies.
Un rapport accablant de Ban Ki-moon sur la situation de la liberté de l’information en Iran
Ban Ki-moon a donc présenté son rapport le 14 septembre dernier. Il a déclaré qu“aucune avancée significative en matière de droits de l’Homme et de la liberté d’expression en Iran” n’avait été observée. Ajoutant que “des pressions contre la liberté d’expression ont toujours un impact sur divers aspects de la vie en Iran”. Le Secrétaire général de l’ONU a également affirmé que le pouvoir judiciaire continuait de convoquer et d’arrêter des journalistes, et que les services des renseignements exerçaient toujours des pressions sur la presse.
Les conservateurs et leurs médias ont sévèrement critiqué les propos du secrétaire général, notamment
Mohammad Sadegh Amoli Larijani, chef du système judiciaire, qui accuse Ban Ki-moon d’'ingérence dans les affaires intérieures de la République islamique d’Iran, “alors même que ce pays est gouverné par la loi divine et non celle des hommes”. De son côté, Ali Janati, le ministre de la Culture et l’Orientation islamique, a nié toute pression sur les médias, passant sous silence les quelques 52 journalistes et net-citoyens emprisonnés et la dizaine de titres censurés depuis un an.
Les déclarations des plus hautes autorités iraniennes, au premier rang desquelles Hassan Rohani et son ministre des Affaires d'étrangères Mohamad Javad Zarif, ne sont guère plus rassurantes.
Hassan Rohani aux Etats-Unis
Avant son départ pour les États-Unis pour assister à la 69e session de l’Assemblée générale des Nations unies, Hassan Rohani a accordé, le 18 septembre, une interview
à la chaîne américaine NBC. A la question portant sur l'arrestation arbitraire de
Jason Rezaian, journaliste pour le quotidien américain
Washington Post, et de son épouse
Yeganeh Salehi, ressortissante iranienne travaillant pour
The National, dont on ignore toujours deux mois après leur arrestation le motif et le lieu de leur détention, le présiden iranien avait déclaré : “Il y a beaucoup de prisonniers dans le monde, et nombreux sont les Iraniens détenus aux États-unis... Les gens dont vous parlez sont des ressortissants iraniens. Parmi les gens actuellement emprisonnés, certains ont été arrêtés pour des raisons de sécurité ; d’autres non. Ils restent cependant détenus dans le cadre prévu par la justice iranienne”.
Reporters sans frontières rappelle que Jason Rezaian et son épouse Yeganeh Salehi, ainsi que deux autres ressortissants américains - dont une photographe indépendante américano-iranienne, dont la famille ne souhaite pas révéler l’identité - ont été arrêtés le 22 juillet 2014 à Téhéran.
Si la photographe américano-iranienne et son mari ont été libérés provisoirement un mois plus tard, Jason Rezaian et Yeganeh Salehi restent emprisonnés dans l’illégalité la plus totale.
Selon les informations recueillies par Reporters sans frontières, les deux journalistes sont toujours détenus par les Gardiens de la révolution. Ils ont été soumis à de longues périodes d’isolement et ont subi une forte pression dans le but de leur arracher des aveux, utilisés par la suite contre eux lors de leur procès. Très affaibli physiquement et psychologiquement, pendant ces 60 jours de détentions Jason Rezaian a perdu au moins 30 kilos.
Si certains journalistes et net-citoyens ont été récemment libérés, tous l’ont été au terme de leur peine. Avec 52 journalistes et net-citoyens emprisonnés, la République islamique d’Iran reste l'une des cinq plus grandes prisons du monde pour les professionnels de l’information.
Avec huit femmes emprisonnées, elle est également la plus grande prison du monde pour les femmes journalistes et les net-citoyennes. RSF rappelle que deux net-citoyennes actuellement emprisonnées sont des ressortissantes étrangères :
Roya Saberi Negad Nobakht, irano-britannique, et
Farideh Shahgholi, germano-iranienne, toutes deux arrêtées pour leurs activités sur les réseaux sociaux. Jusqu’à ce jour, les autorités britanniques et allemandes n’ont pas fait de déclaration officielle sur la détention de leurs ressortissantes.
A l’occasion du voyage du Président Rohani aux États-unis, Reporters sans frontières demande aux journalistes et aux médias - lors d’éventuelles interviews et points de presse - d’aborder le bilan inquiétant de la situation de la liberté d’information en Iran - situation qui continue de se dégrader - ainsi que la question de la libération des journalistes et les net-citoyens.
Les familles des collaborateurs du site Majzooban Nor arrêtées à la veille du déplacement du Président iranien
Les neuf journalistes et net-citoyens collaborant pour le site
Majzooban Nor et leurs avocats - arrêtés lors de la rafle organisée les 8 et 10 septembre 2011,
sont en grève de la faim depuis le 31 août 2014. Leur état de santé est jugé inquiétant.
Au cours d’un rassemblement pacifique organisé les 20 et 21 septembre 2014 par les proches des prisonniers en grève de la faim devant le bureau du parquet de Téhéran, plusieurs membres de la familles ainsi que
les Daravish Ghonabadi (une des principales confréries soufies en iran), ont été violemment agressés par les forces de l’ordre. Nombre d’entre eux ont été arrêtés. Transférés dans différents commissariats de Téhéran, ils ont été libérés quelques heures plus tard. Une cinquantaine de personnes ont également été blessées. Reporters sans frontières condamne la répression contre les familles des collaborateurs du site Majzooban Nor, actuellement emprisonnés.
Suite à la promesse du chef de la police de Téhéran de négocier avec la justice et de satisfaire les revendications des familles, les proches des prisonniers ont publié, le 22 septembre, un communiqué sur le site Majzooban Nor, demandant la fin du mouvement solidarité.
L’Iran, l’un des pays les plus répressifs au monde en matière de liberté de l’information, occupe la 173e place sur 180 pays du Classement mondial 2014 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.