Alors que les Zimbabwéens se préparent à élire un nouveau Parlement le 31 mars 2005, les conditions fixées par les médias d'Etat pour couvrir la campagne électorale du principal parti d'opposition se révèlent injustes. Par ailleurs, le président de l'autorité de régulation de la presse a menacé de sanctions un nouvel hebdomadaire, The Zimbabwean, sous prétexte qu'il serait un « outil de propagande ».
Alors que les Zimbabwéens se préparent à élire un nouveau Parlement le 31 mars 2005, les conditions fixées par les médias d'Etat pour couvrir la campagne électorale du principal parti d'opposition se révèlent injustes. Par ailleurs, le président de l'autorité de régulation de la presse a menacé de sanctions un nouvel hebdomadaire, The Zimbabwean, sous prétexte qu'il serait un « outil de propagande ».
« Il est désormais clair que les élections législatives du 31 mars vont se dérouler dans un climat d'intimidation et de censure, a déclaré Reporters sans frontières. Les critères démocratiques énoncés par la Southern Africa Development Community (SADC) et les traités de l'Union africaine (UA) ne seront de toute évidence pas remplis. Une fois de plus, le gouvernement de Robert Mugabe viole impunément les principes de la liberté d'expression et les Zimbabwéens vont en payer le prix. Il serait temps que les pays de l'Afrique australe cessent de regarder passivement l'un des leurs s'enfoncer dans l'obscurité. »
Déséquilibre électoral
Alors que la campagne électorale a officiellement commencé, le Movement for Democratic Change (MDC), le principal parti d'opposition, est largement désavantagé, voire dénigré, par les médias d'Etat.
Pourtant, dans une lettre adressée au secrétaire général du MDC, Welshman Ncube, le rédacteur en chef du quotidien public The Herald, Pikirayi Deketeke, a expliqué que son journal « n'offrirait à aucun parti politique un accès particulier » à ses colonnes. M. Deketeke répondait à un courrier du MDC, représenté par 50 députés au Parlement, qui demandait aux médias gouvernementaux de couvrir ses activités.
Le rédacteur en chef de The Herald a déclaré que cette démarche ne ressemblait pas à la ligne éditoriale des médias publics, « qui proposent traditionnellement des émissions politiques spéciales, libres et gratuites lors des élections générales ». Or, selon le Media monitoring project Zimbabwe (MMPZ), un observatoire indépendant des médias basé à Harare, sur les 28 articles consacrés à la campagne électorale dans la presse gouvernementale dans la semaine du 14 au 20 février 2005, 19 faisaient l'apologie du parti gouvernemental Zanu-PF et les neuf autres dénigraient le MDC. Aucun ne mentionnait d'autre formation politique. Dans la semaine du 21 au 27 février, sur les 66 articles traitant de la campagne électorale, 58 étaient consacrés au Zanu-PF.
De son côté, le rédacteur en chef de Newsnet, la branche éditoriale du groupe audiovisuel public Zimbabwe Broadcasting Holding (ZBH), a expliqué par courrier au MDC que lui seraient allouées deux interviews sur la chaîne publique, les 7 et 18 mars. En outre, le MDC pourrait participer à un débat le 14 mars et, le 25 mars, la chaîne publique s'engageait à couvrir un meeting du parti. La ZBH accordait enfin 91 minutes d'antenne pour diffuser la publicité électorale du MDC, dans des spots dont la durée ne doit pas excéder 60 secondes. Selon les calculs effectués par l'hebdomadaire privé The Zimbabwe Independent, un spot électoral diffusé à une heure de grande écoute coûte 3,7 millions de dollars zimbabwéens (environ 460 euros), une somme importante dont le diffuseur public exige le paiement en liquide.
Le 3 octobre 2004, le ministre de l'Information de l'époque, Jonathan Moyo, avait déclaré que, lors de la campagne électorale, le MDC se verrait interdire l'accès aux médias d'Etat. « Jusqu'à ce que nous ayons une opposition loyale, avait déclaré le ministre, il lui sera impossible d'accéder aux médias publics. »
Des menaces contre The Zimbabwean
Parallèlement, Tafataona Mahoso, président de la Commission des médias et de l'information (MIC), organe de régulation de la presse étroitement contrôlé par le pouvoir, a menacé de sanctions l'hebdomadaire privé The Zimbabwean, publié à Londres, distribué au Zimbabwe et en Afrique du Sud. M. Mahoso, cité par le quotidien gouvernemental The Herald du 7 mars, explique que ce nouveau journal, créé en exil par le fondateur du célèbre quotidien indépendant Daily News, Wilf Mbanga, est un « outil de propagande » alimenté par des « fonds secrets européens et nord-américains ». Le président de la MIC et le journaliste du Herald stigmatisaient particulièrement le fait que, dans sa dernière livraison, The Zimbabwean publiait en une un encart publicitaire de la Chambre des communes, la chambre basse du parlement britannique, félicitant la direction du journal. Selon The Herald, M. Mahoso estime qu'il s'agit d'un événement « sans précédent », les parlementaires britanniques étant comparables « au régime d'apartheid sud-africain, renversé en 1994 lorsque l'Afrique du Sud a gagné son indépendance ». Les éventuelles sanctions à l'encontre de The Zimbabwean n'ont pas été précisées. The Herald rappelait simplement que la MIC avait déclaré, le mois dernier, « qu'elle n'hésiterait pas à prendre les mesures nécessaires pour stopper ceux qui abusent du journalisme en utilisant des fonds secrets, afin de produire du matériel destiné à nuire aux publications souveraines et nationales, qui gagnent leur vie honnêtement en informant le public ».
En janvier 2005, le président de la MIC avait, dans des conditions similaires, menacé de fermer l'hebdomadaire privé Weekly Times une semaine après la parution de son premier numéro. Le 25 février, la licence de publication du journal avait été suspendue pour un an pour « fausse déclaration et non-révélation de faits par ses propriétaires ». Selon M. Mahoso, le journal l'aurait « trompé » lors de l'enregistrement de sa licence, « en lui cachant certains aspects de sa ligne éditoriale ». Selon ses statuts, le Weekly Times est un hebdomadaire privé d'actualité, axé sur les questions de développement.