Reporters sans frontières a demandé au général John Abizaid, commandant des forces américaines en Irak, la libération d'Abdel Amir Younes Hussein, cameraman irakien de la chaîne CBS News, détenu à Mossoul depuis un mois. L'organisation a également appelé les autorités à communiquer au plus vite l'identité des autres journalistes détenus.
Dans un courrier en date du 6 mai 2005, Reporters sans frontières a demandé au général John Abizaid, commandant des forces américaines en Irak, la libération d'Abdel Amir Younes Hussein, cameraman irakien de la chaîne CBS News, détenu à Mossoul depuis le 5 avril. L'organisation a également appelé les autorités à communiquer au plus vite l'identité des autres journalistes détenus.
« Cela fait un mois que ce journaliste est détenu sans que l'armée américaine ait fourni aucune preuve concrète de ses allégations. Le 9 avril, Reporters sans frontières s'était déclarée très préoccupée par ce maintien en détention. Aujourd'hui encore, l'organisation souhaite vous exprimer son inquiétude et réitérer sa demande de plus amples explications. Nous vous demandons, une fois de plus, la remise en liberté du journaliste à défaut de la présentation de preuves tangibles », a déclaré Reporters sans frontières.
« De plus, selon de récentes informations de source militaire américaine, au total neuf journalistes irakiens "soupçonnés d'aider des groupes d'insurgés" seraient actuellement emprisonnés sans chef d'inculpation, dans des lieux de détention américains et irakiens. Reporters sans frontières demande à l'armée américaine, comme aux autorités irakiennes, de faire preuve de plus de transparence et de discernement dans les multiples arrestations de journalistes en Irak. L'identité de ces journalistes ainsi que le motif de leur détention doivent être rendus publics au plus vite », a ajouté l'organisation.
Rappel des faits
Abdel Amir Younes Hussein avait été blessé à la hanche, le 5 avril, lors d'un échange de tirs entre un insurgé irakien et des soldats américains de la première brigade de la 25e division d'infanterie, près de la ville de Mossoul. L'armée américaine avait déclaré dans un premier temps que des soldats avaient tiré sur « un insurgé » qui « brandissait un AK-47 (fusil d'assaut) et interpellait une foule de civils. Un individu qui semblait tenir une arme, se tenant à côté de l'insurgé, avait été visé et blessé. Il s'agissait en réalité du journaliste qui portait sa caméra. Malheureusement, le cameraman a été blessé dans ce contexte complexe et instable ». Le communiqué ajoutait que l'incident était en cours d'investigation. Le journaliste avait ensuite été conduit dans un hôpital militaire américain où il avait été soigné pour des blessures qualifiées de légères par l'armée.
Mais le 8 avril, un nouveau communiqué de l'armée avait annoncé que les militaires détenaient le cameraman et menaient « une enquête sur ses activités antérieures et sur un possible soutien à la guérilla ». Il ajoutait qu'il y avait des raisons de penser que le journaliste constituait « une menace sérieuse pour les forces de la coalition » et qu'il était « actuellement détenu et serait traité comme tout autre prisonnier ». Le capitaine Mark Walter, porte-parole de l'armée, avait déclaré que le reporter souffrait de blessures légères et était impliqué, avec un certain nombre de personnes, dans les tirs. Il avait précisé que le cameraman était détenu sur la bases de témoignages directs des incidents. CBS avait publié, le même jour, une déclaration de soutien à son employé.
Le cameraman serait détenu à la prison d'Abou Ghraib depuis le 22 avril. D'après un communiqué de l'armée américaine, « un test » a révélé la présence d'explosif sur le journaliste : « La Force multinationale en Irak poursuit ses investigations concernant la collaboration éventuelle du correspondant avec les terroristes et sur des accusations selon lesquelles il connaissait les futures attaques de terroristes. »
Multiples cas de journalistes détenus
Le 5 mai, le colonel Steve Bylan, porte-parole de l'armée américaine, a affirmé à l'Agence France-Presse (AFP) que neuf journalistes employés par sept médias occidentaux étaient détenus, certains « depuis plusieurs mois », dans des lieux de détention américains et irakiens.
Dans la matinée du 30 mars, la police irakienne a arrêté Sami Shouker Naji, cameraman de l'agence américaine Associated Press Television News (APTN), alors qu'il travaillait pour son propre compte à Ba'Qubah (nord de Bagdad). Selon un général de l'armée irakienne, il est détenu à la prison d'Abou Ghraib sous prétexte d'une collaboration avec « les insurgés ». Depuis, l'agence et la famille sont sans nouvelles. Un porte-parole d'APTN a déclaré à Reporters sans frontières que l'agence faisait de son mieux pour venir en aide à son cameraman.
Deux journalistes travaillant pour l'AFP feraient également partie de ces prisonniers. Selon l'agence de presse, l'armée n'a confirmé la détention que d'un seul, Ammar Daham Naef Khalaf, arrêté le 11 avril par des soldats américains à son domicile de Ramadi (ouest de Bagdad). Toujours selon l'armée, le journaliste a été transféré le 26 avril à la prison d'Abou Ghraib, où il ne peut recevoir de visites durant soixante jours.
Toujours d'après l'AFP, Fares Nawaf al-Issaywi, photographe de l'agence, a été arrêté par l'armée irakienne le 1er mai, puis remis aux forces américaines, alors qu'il réalisait un reportage à Falloujah (50 km à l'ouest de Bagdad).
Par ailleurs, Hussein Al Shimari, reporter de la chaîne satellite Al-Diyar, a été arrêté le 9 avril, dans la province de Diyala (nord-est de Bagdad). Selon son rédacteur en chef, le journaliste, détenu par les forces militaires irakiennes qui le soupçonnent de collaboration avec les insurgés, aurait été victime de tortures. Il n'a pas eu le droit de contacter sa famille, sans nouvelles depuis son arrestation.
Le 12 avril, le maire de la ville de Kawit (sud de l'Irak) a ordonné l'arrestation d'Ayad Al-Tamimi, rédacteur en chef du quotidien Sada Wasit, et du journaliste Ahmed Mutare Abass. Selon Ibrahim Al-Srage, président de l'Association de défense des journalistes irakiens, le maire avait demandé un mandat d'arrêt au procureur général de la ville et condamné arbitrairement le premier à deux mois d'emprisonnement et le second à quatre mois pour diffamation. Le journal avait évoqué, dans plusieurs articles, les défaillances de l'administration de la ville et l'insécurité constante. Les deux journalistes sont actuellement incarcérés.
Deux journalistes et un collaborateur de média relâchés
Par ailleurs, le 3 mai, la police irakienne a libéré un ingénieur du son de la chaîne Al-Charkia TV, détenu depuis plusieurs mois sans charge. Il aurait été battu lors de sa détention.
Nabil Hussein, cameraman de Reuters Television, ainsi que son père ont été libérés le 4 mai, après onze jours de détention sans charges. Le journaliste a déclaré à l'agence qu'ils avaient été détenus dans de très petites pièces, avec peu de nourriture et d'eau : « Nous avons été insultés et humiliés par la police irakienne pendant tout ce temps ». David Schlesinger, directeur international de la rédaction, a salué cette remise en liberté tout en réclamant une enquête : « Je suis très heureux de la libération, mais je pense qu'il est vital pour la sécurité de tous les journalistes travaillant en Irak, qu'une enquête approfondie soit menée sur les circonstances de sa détention ».
Le même jour, Hassan Walid Abdul Wahab, cameraman freelance âgé de 23 ans, collaborateur régulier de la chaîne allemande Zweites Deutsches Fernsehen (ZDF), a également été remis en liberté avec deux de ses frères et son père. La ZDF avait immédiatement engagé un avocat pour venir en aide à son collaborateur. Ils avaient été arrêtés à leur domicile, le 20 avril, par plusieurs agents de police.