Dans leur prêche du vendredi 20 février, plusieurs imams du pays ont appelé au boycott de la presse privée francophone et pris à partie le quotidien Liberté et son caricaturiste Ali Dilem. Reporters sans frontières condamne fermement ces accusations et demande au ministère des Affaires religieuses, qui définit la ligne de la grande prière du vendredi, de s'expliquer sur cette affaire et de veiller à mettre un terme à ces propos haineux.
Dans leur prêche du vendredi 20 février, plusieurs imams du pays ont appelé au boycott de la presse privée francophone, accusée, entre autres, de semer la discorde (fitna) au sein de la communauté des croyants. Les journalistes de ces médias ont été qualifiés " d'apostats " et " d'ennemis de l'islam ". Le quotidien Liberté et son caricaturiste Ali Dilem ont été nommément pris à partie par les imams. La radio et la télévision nationales ont retransmis ces sermons, dont le thème général est défini par le ministère des Affaires religieuses.
" Ces condamnations d'une virulence extrême, lancées dans des mosquées et relayées par les médias publics sont inacceptables. Nous dénonçons avec la plus grande fermeté cette utilisation des lieux de prière pour accuser la presse. Ce retour en force de la politique dans les mosquées et cette instrumentalisation de l'islam, rappelle, d'une manière inquiétante, la période noire et violente, y compris pour les journalistes, du milieu des années 90. Nous demandons au ministère des Affaires religieuses, qui définit la ligne de la grande prière du vendredi, de s'expliquer sur cette affaire et de veiller à mettre un terme à ces propos haineux", a déclaré Reporters sans frontières.
Le ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, a confirmé à l'agence Reuters que le gouvernement avait donné des directives aux imams quant au contenu de leur prêche, tout en précisant que ces instructions concernaient uniquement le quotidien Liberté qui a " offensé les valeurs de l'islam ".
Depuis le mois d'août 2003, les tensions entre le président Abdelaziz Bouteflika et la presse privée se sont exacerbées. Les autorités ont mené une politique de harcèlement visant à faire taire des journaux considérés comme trop irrévérencieux par le clan présidentiel, en pleine pré-campagne électorale. Le quotidien Liberté et son caricaturiste Ali Dilem ont été des cibles privilégiées.
Reporters sans frontières rappelle que 57 journalistes ont été assassinés entre 1993 et 1996, et que cinq sont toujours portés disparus.