Reporters arrêtés en Ethiopie : le pays sombre de nouveau dans la répression des journalistes
Alors que plusieurs journalistes ont de nouveau été arrêtés pour leur couverture de la guerre civile qui fait rage depuis plus d’un an dans le pays, 2021 aura marqué un retour en arrière désastreux pour la liberté de la presse en Ethiopie. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités de libérer les journalistes emprisonnés et de mettre fin à la répression et aux restrictions croissantes dont il font l’objet.
Amir Aman Kiyaro revenait d’un reportage lorsqu’il a été arrêté le 28 novembre dernier à Addis Abeba, la capitale éthiopienne. Selon la police, le journaliste reporter d’images et correspondant de l’Associated Press (AP) est accusé d’avoir fait “la promotion du terrorisme” pour avoir réalisé une interview d’un groupe lui même qualifié de terroriste par les autorités. Deux journalistes éthiopiens Thomas Engida et Addisu Muluneh ont également été arrêtés au même moment et font l’objet d’accusations similaires.
Depuis novembre 2020, le pays est en état de guerre civile. Les forces fédérales s’opposent à une coalition de groupes armés issus des régions du Tigré et de l’Oromia. Le conflit a fait plusieurs milliers de morts et des millions de déplacés. En Novembre, les autorités ont décrété l’état d’urgence dans tous les pays et interdit la publication de toute information relative aux mouvements des troupes et aux bilans des affrontements en dehors de celles communiquées par les autorités fédérales.
“Cette nouvelle vague d’arrestations jette une nouvelle fois la lumière sur la répression croissante des autorités vis-à-vis des journalistes et sur leur volonté de faire taire tous ceux qui ne s'alignent pas sur la communication officielle, dénonce le responsable du bureau Afrique Arnaud Froger. Nous demandons la libération de tous les reporters détenus et appelons le gouvernement éthiopien à cesser de criminaliser le journalisme dans leur pays.”
Selon les informations de RSF, au moins quatre autres journalistes sont déjà arbitrairement détenus dans le pays. Le chef du service de l’information de la radio et télévision Ahadu Kibrom Worku serait toujours détenu par la police depuis le 26 octobre malgré une décision de justice ordonnant sa libération le 12 novembre. Le responsable de la chaîne Youtube Ubuntu, Eyasped Teafaye, le co-fondateur du site Roha media, Mohammed Meaza, et le responsable de Terrara media, Tamirat Negera, sont respectivement détenus depuis les 8 et 10 décembre. La maison du dernier cité a été fouillée et ses équipements saisis. Son lieu de détention reste inconnu. Depuis le début du conflit en fin d’année dernière, plusieurs dizaines de journalistes ont fait l’objet d’arrestations et de détention arbitraires pouvant parfois atteindre plusieurs mois. Ils sont la plupart du temps libérés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux.
Certains médias comme Addis Standard ont été suspendus, d’autres ont dû réduire leur couverture du conflit voire s’arrêter comme Awlo Media Center qui a annoncé en octobre dernier cesser ses activités face aux menaces et à la répression. Le correspondant du New-York Times, Simon Marks, a été expulsé sans explication officielle quelques semaines après le retrait de son accréditation pour “manque d’impartialité” et “diffusion de fausses nouvelles”.
Après avoir progressé durant trois ans, l’Éthiopie a reculé de deux places dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2021, passant de la 99e à la 101e place sur 180 pays.