RCTVI accepte de plier pour revenir sur le câble, le problème posé par les “cadenas” demeure
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Le choix était clair : se plier à l’obligation de transmettre les discours fleuves (“cadenas”) présidentiels ou disparaître des écrans. La chaîne privée câblée RCTV-Internacional (RCTVI), suspendue depuis le 24 janvier 2010, a finalement accepté de s’enregistrer comme “producteur audiovisuel national” pour pouvoir recommencer à émettre. Sa direction a néanmoins annoncé la création d’une autre chaîne internationale, RCTV Mundo. Se reposera inévitablement la question de savoir si cette dernière, dont la vocation est d’être producteur audiovisuel international, sera dispensée à ce titre de “cadenas” lors de son homologation.
Au-delà du seul cas RCTVI, nous considérons que le problème de fond concerne le principe même de “cadenas” présidentielles diffusées en même temps sur toutes les chaines hertziennes et câblées nationales quand une seule suffirait. A quoi servent-elles, sinon à monopoliser la parole publique ? En plus des “cadenas” et de son émission dominicale “Aló Presidente”, le président Hugo Chávez a lancé, le 18 février dernier, un nouveau programme de radio “De repente… Con Chávez” (”Tout à coup… avec Chávez”), sans horaire ni jour fixes. “Quand vous écoutez un air de harpe, vous pourrez penser qu’il s’agit de Chávez”, a déclaré le chef de l’État lors du programme inaugural.
Photo : AFP
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04.02.2010 - Cinq chaînes câblées rétablies, RCTVI toujours suspendue
Cinq des six chaînes câblées suspendues depuis le 24 janvier 2010 ont obtenu l’autorisation d’émettre à nouveau. Il s’agit d’American Network, Momentum, Ritmo Son (mexicaines), America TV (péruvienne) et TV Chile. Le chaîne RCTV-Internacional (RCTVI) reste interdite de diffusion. Ce revirement partiel du gouvernement tend malheureusement à confirmer que le décret du 22 décembre 2009, obligeant les chaînes considérées comme “producteur audiovisuel national” à retransmettre les discours fleuves (“cadenas”) du président Hugo Chávez, était en fait dirigé contre RCTVI et elle seule.
Il y a de quoi s’alarmer de l’effet provoqué par ce nouvel épisode de la “guerre médiatique” vénézuélienne, au vu des manifestations qui se sont soldées par la mort de deux étudiants. Le ministre et président de la Commission nationale des télécommunications (Conatel), Diosdado Cabello, avait envisagé de recevoir les représentants des médias concernés en début de semaine. Qu’en est-il ? Enfin et surtout, pourquoi vouloir à tout prix imposer les “cadenas” présidentielles à autant de chaînes quand une seule pourrait suffire ? Entre le 2 février 1999, date de son investiture, et le 21 janvier 2010, Hugo Chávez est intervenu 1.988 fois dans ce cadre pour une durée totale équivalente à cinquante-cinq jours sans interruption. Ce décompte n’inclut pas l’émission dominicale “Aló Presidente” que le chef de l’État anime lui-même sur la principale chaîne d’État Venezolana de Televisión (VTV).
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25.01.2010 - Cadenas sur le câble : six chaînes suspendues
Au choix : se plier à l’obligation de transmettre des allocutions présidentielles souvent interminables (“cadenas”), ou disparaître purement et simplement des écrans. Telle est l’alternative dont six chaînes câblées viennent de faire l’expérience, le 24 janvier 2010. Au premier chef : Radio Caracas Televisión (RCTV) – Internacional, visée en priorité par l’extension des “cadenas” aux chaînes câblées.
La suspension de six chaînes, condamnée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), révèle une nouvelle fois l’allergie du gouvernement à des voix dissidentes au sein des médias audiovisuels de grande audience. Il souligne également l’usage d’une loi discriminatoire. Il pose enfin la question de “cadenas” comme confiscation de la parole publique et comme moyen de coercition sur le contenu des médias.
Le 22 décembre 2009, un décret émis par la Commission nationale des télécommunications dispose que les chaînes câblées dont 70 % de la production est nationale auront obligation de diffuser les “cadenas” instaurées par la Loi de responsabilité sociale en radio et télévision (loi Resorte) de 2004. La mesure ne s’appliquait jusqu’alors qu’aux médias hertziens. Elle est assortie d’une clause autorisant une seule coupure publicitaire par programme.
-Première entorse au principe d’égalité devant la loi : pourquoi la nouvelle réglementation s’applique-t-elle à une seule catégorie de médias ? La loi souffre aussi d’une réelle imprécision : le statut de producteur audiovisuel national prend-il en compte la diffusion extérieure du média concerné ?
Le 21 janvier 2010 est rendue publique la liste des chaînes câblées soumises à la loi Resorte. Elles concerne 24 d’entre elles (contre 160 y échappant), parmi lesquelles RCTV – Internacional. La chaîne dépose dans l’urgence un recours devant le Tribunal suprême de justice (TSJ) pour se faire reconnaître comme producteur audiovisuel international, donc à l’abri de la nouvelle loi.
Le même jour, Diosdado Cabello, ministre de tutelle et président de la Conatel, ordonne des poursuites pénales contre un journaliste vedette de la chaîne, Miguel Ángel Rodríguez, pour “incitation au coup d’État”. Selon le ministre, le président de l’organisme patronal Fedecámaras, Noel Alvarez, aurait déclaré “sur un jeu de mots” que “l’issue pour le Venezuela était la solution militaire”, lors d’une interview donnée à Miguel Ángel Rodríguez. Une condamnation pour des faits aussi graves offrirait l’avantage de fermer définitivement RCTV – Internacional, déjà exclue du réseau hertzien en mai 2007 et revenue sur le câble deux mois plus tard au grand dam du gouvernement.
-Se pose ici la question du droit à un procès équitable. RCTV-Internacional a, en effet, soutenu le coup d’État contre Hugo Chávez en 2002, or jamais la chaîne n’a fait l’objet d’une condamnation pour ces faits. L’accusation revient cette fois pour des propos que Miguel Ángel Rodríguez n’a pas tenus lui-même ! En toute hypothèse, RCTV-Internacional a droit à un procès public et contradictoire comme n’importe quel autre justiciable. En outre, une condamnation pénale de ses dirigeants, pour fondée qu’elle soit, implique-t-elle que tous ses employés se retrouvent au chômage ?
Le 23 janvier, le président Hugo Chávez impose une “cadena” à l’occasion d’une marche de ses partisans. Le lendemain à minuit, le signal de six chaînes câblées “coupables” de ne pas avoir retransmis l’événement est suspendu : Ritmo Son, Momentum, RCTV-Internacional, America TV, American Network et TV Chile (dont on ne soupçonnait pas la qualité de “producteur audiovisuel national”). Aucune notification n’a été adressée aux chaînes préalablement et les recours présentés par celles-ci devant le TSJ ne pouvaient être examinés en fin de semaine. Au lieu d’ouvrir une procédure administrative comme le prévoit la Constitution, le ministre Diosdado Cabello a ordonné à cinq opérateurs du câble – DirecTV, Intercable, Supercable, Net Uno et Movistar – de procéder à la suspension sans préavis. Depuis, le ministre a promis de recevoir ce 25 janvier les représentants des six chaînes, déclarant que cette suspension était destinée à montrer que le gouvernement “parlait sérieusement”.
-Là encore, aucune possibilité de recours dans des délais raisonnables n’a été offerte aux médias. Il s’agit d’une violation flagrante de la jurisprudence interaméricaine à laquelle le Venezuela est tenu en tant qu’État signataire. Nous espérons que Diosdado Cabello tiendra parole et que le signal des chaînes suspendues sera rétabli. Mais au-delà de l’aspect juridique de cette affaire, et du manquement possible à la loi, la question politique de fond demeure : celle des “cadenas” dans leur principe.
Les “cadenas” vont bien au-delà du simple message officiel. Elles permettent au président Hugo Chávez une prise de parole inopinée et sans limitation de durée sur la presque totalité du paysage audiovisuel national. Ce procédé a-t-il une utilité réelle, Hugo Chávez animant en plus son propre programme dominical “Aló Presidente” ? A supposer que tel soit le cas, d’où vient la nécessité d’imposer le discours du chef de l’État à autant de chaînes, a fortiori sous peine de sanctions, voire de suspensions ? Une seule chaîne publique ne serait-elle pas suffisante pour diffuser les “cadenas” ? L’usage des “cadenas” contrevient au droit de médias indépendants à disposer de leur contenu. Il entrave la libre circulation d’une information plurielle. Il porte atteinte à celui des citoyens vénézuéliens de choisir leurs programmes.
Reporters sans frontières s’engage à publier la réponse - sur le fond - du gouvernement vénézuélien aux questions ici posées.
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20.01.2016