Raid et vagues d’arrestations dans les rédactions de deux journaux
Après la rafle spectaculaire visant hier les rédactions d'Echos du Nord et de Faits divers, le coup de filet des forces de sécurité gabonaise continue. La rédactrice en chef adjointe d'Echos du Nord a été arrêtée ce matin à son domicile par 12 agents en civil.
Les équipes du journal Echos du Nord et du tabloïd Faits Divers, connus pour leur plumes très critiques à l'encontre du Palais présidentiel, ont vu débarquer hier matin, jeudi 3 novembre, des pick–up de la Direction Générale de la Documentation et de l'Immigration (DGDI) devant le bâtiment qui abrite leur rédaction commune.
Les agents, armés de pistolets automatiques, ont arrêté toutes les personnes présentes dans les locaux, vigiles et journalistes compris, confisqué les téléphones, et contraint brutalement l'équipe à monter dans les véhicules stationnés à l'extérieur. Le jeudi étant jour de bouclage pour les deux périodiques, l'essentiel des collaborateurs étaient présents.
Ils ont été emmenés au DGDI (ancien CEDOC), connu pour être l'un des principaux services de renseignements, traditionnellement sous la tutelle directe de la Présidence et, récemment, du ministère de l'Intérieur également. Ils y sont détenus depuis sans charges, et sans accès à leurs familles ou leur avocats.
Les autorités n'en sont pas restées là. Ce vendredi 4 novembre à 8 heures, 12 agents de la DGDI sont venus arrêter Raïssa Oyasseka, la rédactrice en chef adjointe d'Echos du Nord, à son domicile, à nouveau sans mandat d'arrêt.
Reporters sans frontières a tenté à plusieurs reprises depuis hier de joindre le ministre de l'Information, Alain-Claude Billie By Nze, afin d'obtenir plus d'informations, mais ses appels et messages sont restés pour le moment sans réponse.
“ Ce type d’actions coup de poing, indiscriminées et brutales, de la part des autorités constitue un acte de violence intolérable envers la liberté de l'information dans le pays, déplore Reporters sans frontières. Ces arrestations ont eu lieu hors de tout cadre judiciaire ou légal. Nous demandons aux autorités gabonaises de relâcher immédiatement les journalistes et leurs collègues, arrêtés en toute illégalité. Si celles-ci ont des différends avec des média, il existe des lois à même de les régler. Pour rappel, le projet de loi sur la Communication propose déjà d’abolir les peines privatives de liberté pour les délits de presse. Alors que font ces journalistes en prison ?”
Diverses explications ont été avancées. Le patron du DGDI, Célestin Embinga a déclaré à des journalistes qui l'ont contacté que ces arrestations étaient en lien avec un article paru le 2 novembre dans Echos du Nord concernant sa supposée convocation devant la police militaire. Mais des personnalités proches du pouvoir expliquent que cette rafle serait un signe de la part du président gabonais envers le Roi du Maroc, extrêmement irrité par un article évoquant son intervention supposée auprès du Premier Ministre français en faveur de la reconnaissance de l'élection d'Ali Bongo Ondimba.
Selon son directeur, Désiré Ename, le journal Echos du Nord est dans le collimateur des autorités gabonaises depuis l'élection d'Ali Bongo en 2009. A peine quelques semaines après celle-ci, Echos du Nord écopait d'une suspension de trois mois et depuis la pression ne s'est d’après lui pas relâchée.
Le Gabon traverse une période de contestations depuis la réélection controversée du Président sortant Ali Bongo Ondimba. Dès l'annonce du résultat des élections, le 31 août 2016, internet avait été coupé dans tout le pays pendant 24 heures, les messages SMS bloqués pendant une semaine et les réseaux sociaux n’ont pas été accessibles pendant un mois. Les manifestations contre la réélection d'Ali Bongo et leur répression avaient donné lieu à des attaques contre plusieurs journaux et médias. Le journaliste français du Monde Diplomatique Olivier Piot avait été refoulé à la frontière.
Le Gabon occupe, la 100ème place au Classement 2016 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières.