Présidentielle en Iran : RSF exige des candidats des engagements en faveur de la liberté de presse
A la veille des élections présidentielle et municipales en Iran le 19 mai 2017, Reporters sans frontières (RSF) demande une nouvelle fois à l’ensemble des
candidats de s’engager clairement en faveur de la liberté de l’information.
Il y a quatre ans, RSF émettait des recommandations aux candidats lors de la 11e élection présidentielle. Quatre ans plus tard, ces mêmes demandes sont malheureusement toujours valables et nécessaires pour la liberté de la presse en Iran. Quelques avancées, comme la baisse des suspensions de médias par le ministère de la Culture et de l’orientation islamique, sont à noter, mais la promesse du président sortant Hassan Rohani “en faveur de la liberté d’expression et de la presse” n'a pas été tenue. La situation de la liberté d'information est toujours déplorable. Avec 27 journalistes et journalistes-citoyens emprisonnés, l’Iran est toujours l’une des cinq plus grandes prisons du monde et constitue également l’une des plus grandes prisons pour les femmes journalistes.
Le 15 mai, lors d’un meeting politique de Hassan Rohani, ses sympathisants scandaient des slogans en faveur de la libération des prisonniers politiques, en pointant du doigt la responsabilité du guide suprême Ali Khamenei. “Mes bras n’ont pas la force pour résoudre seuls certains problèmes, mais avec un vote de plus de 51%, ce sera plus efficace”, a déclaré le président sortant.
Force est de constater que la justice et les gardiens de la révolution, sous l'ordre du guide suprême, sont responsables d'une grande partie de la répression contre les journalistes et l'information indépendante. Mais Hassan Rohani ne peut se soustraire à ses responsabilités. En tant que garant officiel de l’application de la Constitution iranienne, il aurait pu mettre un terme à cette situation inacceptable. Le ministère du Renseignement de Rohani est d’ailleurs bien engagé dans la répression contre les journalistes et les médias critiques envers du régime.
Une campagne d’une rare violence
La campagne électorale pour la présidentielle en Iran, que les observateurs jugent cruciale pour l'avenir du pays, est marquée par des attaques virulentes entre les différents candidats. Le président sortant a multiplié les attaques contre “ceux qui, depuis 38 ans, ne savent faire qu’emprisonnés et exécutés”, sans nommer pour autant directement son adversaire principal Ebrahim Raïssi, un dignitaire religieux proche d’Ali Khamenei. Pendant des années, ce dernier a été procureur du pays et est aujourd’hui procureur spécial du tribunal du clergé, chargé de juger les délits des religieux. Il était également membre de la terrible commission, désignée par l’ayatollah Rouhollah Khomeiny en 1988, qui a condamné à mort des milliers de prisonniers qui refusaient de renoncer à leurs convictions.
Le 13 mai 2017, une vingtaine de députés européens ont demandé dans une lettre ouverte la libération de tous les prisonniers politiques notamment les journalistes et journalistes-citoyens emprisonnés. “Les autorités iraniennes devraient protéger les journalistes et les acteurs de la société civile et doivent leur permettre un accès complet à Internet et aux réseaux sociaux, de la même manière que les dirigeants de la République islamique les utilisent eux-mêmes", ont expliqué dans leur lettre les députés.
RSF rappelle que tant que ces demandes ne seront pas satisfaites, le peuple iranien ne pourra pas se considérer comme libre et demande dès aujourd’hui à l’ensemble des candidats de s’engager sur les points suivants :
* S’engager pour la libération inconditionnelle des 27 journalistes et net-citoyens toujours emprisonnés en Iran.
* S’engager pour une réforme en profondeur de la loi sur les médias favorisant la liberté de la presse selon l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont l’Iran est partie prenante.
* S’engager en particulier pour dépénaliser les délits de presse et garantir la liberté d’information sans discrimination de langue, de religion ou d’opinion politique. Il est urgent de revoir la loi de 1986 sur la presse (amendée en 2000 et en 2009 pour englober les publications en ligne) qui permet au pouvoir de vérifier que les acteurs de l’information ne “portent pas atteinte à la République islamique”, “n’offensent pas le Guide suprême” ou ne “diffusent pas de fausses informations”. Les amendements de la loi sur la presse qui obligent les publications en ligne à obtenir une licence doivent être abrogés.
* S’engager à garantir pour les journalistes le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts.
* Garantir au peuple iranien le droit d'être informé, l’accès à un Internet libre, sans filtrage, ni surveillance. L’instauration d’un "Internet Halal" (national) qui vise à imposer un véritable “apartheid digital” constitue un danger pour l’Iran.
* S’engager à mettre fin au règne de l’arbitraire et de l’impunité. Les auteurs et commanditaires des assassinats de journalistes dissidents n’ont jamais été inquiétés. Les exemples sont nombreux. On peut citer les cas d’Ebrahim Zalzadeh, Majid Charif, Mohamad Mokhtari, Mohamad Jafar Pouyandeh et Pirouz Davani, exécutés par des agents du ministère du Renseignement entre novembre et décembre 1998. Sans oublier la mort en détention de Zahra Kazemi (2003), celle de la journaliste kurde de l’agence de presse Euphrate Ayfer Serçe (2006), du jeune blogueur Omidreza Mirsayafi, (2009), mais aussi de l’ancien journaliste pour Abrar Economie Alireza Eftekhari (2009), de Haleh Sahabi, journaliste et activiste des droits des femmes. Et plus récemment de Hoda Saber, journaliste d’Iran-e-Farda (2011) et de Sattar Beheshti (2012).
L’Iran est classé 165e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2017 de Reporters sans frontières.