Reporters sans frontières (RSF) appelle la justice sud-coréenne à renoncer à une peine de prison pour le journaliste Tatsuya Kato, accusé de diffamation à l’égard de la présidente Park Geun-hye. En amont du verdict du procès le 26 novembre, le procureur de Séoul a requis aujourd'hui une peine de 18 mois de prison.
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Version japonaise - par Makiko Segawa->http://jfjn.jp/2015/10/%E3%80%8E%E7%94%A3%E7%B5%8C%E6%96%B0%E8%81%9E%E3%80%8F%E5%89%8D%E3%82%BD%E3%82%A6%E3%83%AB%E6%94%AF%E5%B1%80%E9%95%B7%E3%80%81%E6%87%B2%E5%BD%B9%E5%88%91%E3%81%AE%E5%8F%AF%E8%83%BD%E6%80%A7/)
Le verdict du procès du journaliste
Tatsuya Kato, ancien chef du bureau de Séoul pour le journal japonais
Sankei Shimbun, sera rendu le 26 novembre 2015 dans la capitale sud-coréenne. Le journaliste a été mis en examen en octobre 2014 après la publication en ligne d’un article s’interrogeant sur les faits et gestes de la présidente Park Geun-hye lors du naufrage du ferry Sewol, le 16 avril 2014. Intitulé “
President Park Geun-Hye went missing on the day of the ferry sinking… Who did she meet ?” (“La présidente Park Geun-hye était introuvable le jour du naufrage… Avec qui était-elle ?”), l’article, daté du 3 août 2014, a entraîné une réaction musclée des soutiens de la présidente. La plainte déposée par une association nationaliste sud-coréenne pourrait lui valoir 18 mois de prison. Si la valeur informative de l’article de Tatsuya Kato est discutable d’un point de vue journalistique, les rumeurs qu’il relaie étaient déjà accessibles en ligne, notamment publiées par le journal sud-coréen
Chosun Ilbo, sans que leurs auteurs ne fassent l’objet d’aucune plainte.
“
Le fait qu’un journaliste soit poursuivi en justice pour avoir questionné les agissements de la présidente est inconcevable au sein d’un régime se revendiquant comme une démocratie, déclare Benjamin Ismaïl, responsable du bureau Asie-Pacifique de Reporters sans frontières.
Nous appelons la justice sud-coréenne à renoncer à une peine de prison disproportionnée et à prendre en compte le fait que l’article incriminé s’appuyait sur des informations déjà accessibles en ligne, pour lesquelles leurs auteurs n’ont pas été inquiétés."
Convoqué à plusieurs reprises devant le procureur, le journaliste fait l’objet d’une surveillance rapprochée des autorités. Son téléphone a été mis sur écoute et sa boîte mail piratée. Après neuf mois d’interdiction de sortie du territoire imposée par le parquet de Séoul, Tatsuya Kato a enfin pu quitter la capitale sud-coréenne en avril 2015.
Au-delà de la ligne éditoriale du
Sankei Shimbun, média de droite japonais perçu comme anti-sud-coréen, de telles poursuites traduisent le durcissement du contrôle de l’image présidentielle dans les médias, un sujet particulièrement épineux depuis le drame du Sewol. La présidente Park a en effet fait l’objet de nombreuses critiques sur sa gestion de la crise, et sa popularité auprès des citoyens en a été considérablement altérée.
La diffamation, délit passible de peines allant jusqu'à sept ans de prison, est une menace bien réelle pour les journalistes qui critiquent le gouvernement. Ce n’est pas la première fois que
les lois pénales relatives à la diffamation sont utilisées pour réduire au silence les voix non désirées sur la présidente Park Geun-hye et son entourage.
En déclin depuis quatre ans, la Corée du Sud se positionne à la
60e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2015 établi par Reporters sans frontières.