Pologne : les médias indépendants sous pression à la veille de l'élection présidentielle
Deux journalistes ont été accusés d’avoir enfreint les règles sanitaires alors qu’ils couvraient des rassemblements anti-gouvernementaux, tandis que la chaîne privée TVN fait l’objet d’attaques répétées. Reporters sans frontières (RSF) demande aux autorités polonaises de ne pas profiter de la crise sanitaire pour saboter le travail des médias indépendants qui couvrent la campagne électorale.
A la veille de l'élection présidentielle, que le parti au pouvoir, Droit et Justice (PiS), et le président sortant, Andrzej Duda, voulaient, jusqu'à mercredi dernier, maintenir coûte que coûte ce dimanche 10 mai en dépit de la pandémie, les attaques contre les médias indépendants redoublent d’intensité.
Deux journalistes font actuellement l’objet de procédures judiciaires pour avoir couvert des manifestations antigouvernementales. Le photographe Wojciech Jakub Atys de Gazeta Wyborcza a appris qu’il devrait comparaître devant un tribunal après avoir couvert le 29 mars dernier un rassemblement devant la maison de Jarosław Kaczynski, le dirigeant du PiS, le parti gouvernemental, à Varsovie. Ce jour-là, une poignée de manifestants dénonçaient une modification du code électoral pour cause de pandémie qui prévoyait que les électeurs ne se prononcent que par voie postale lors de l’élection présidentielle du 10 mai prochain. Le photographe est accusé d’avoir enfreint les règles anti-coronavirus en se rassemblant avec d’autres personnes dans un espace public sans avoir respecté la distanciation sociale. Il risque de devoir payer une amende pouvant aller jusqu’à 60.000 zlotys (environ 13.000 euros).
Une vidéaste du site indépendant OKO.press, dont le nom n’a pas été précisé par le site, fait face à un cas similaire de harcèlement judiciaire. Elle doit répondre de deux accusations absurdes : absence de distanciation sociale dans l’espace public et organisation d’un rassemblement, après s’être simplement rendue le 10 avril dernier devant le domicile du dirigeant du PiS où devait se tenir une autre manifestation, qui n’a finalement pas eu lieu. Elle aussi risque d’être condamnée à une amende pouvant aller jusqu’à 13.000 euros.
Filmer une manifestation contre le gouvernement a également valu au journaliste indépendant Włodzimierz Ciejka de passer deux heures au poste de police le 28 mars dernier sous prétexte d’infraction aux règles sanitaires qui interdisent les rassemblements.
Quant à la chaîne privée TVN, propriété du groupe américain Discovery, elle est la cible d’une campagne agressive. Entre le 14 et le 18 avril, la télévision publique TVP, connue pour sa proximité avec le pouvoir, a quotidiennement attaqué le programme d’actualités principal de TVN en l’accusant de manque de professionnalisme ou d’avoir des liens avec des services secrets communistes d’avant 1989. Ces attaques avaient de toute évidence pour but de décrédibiliser un média critique vis-à-vis du gouvernement à la veille de l'élection présidentielle à laquelle brigue le président actuel, Andrzej Duda.
“Les pressions injustifiées contre des médias indépendants sous prétexte de lutte contre le coronavirus ou de liens avec l’ancien régime communiste sont inacceptables, déclare le responsable du bureau Union européenne et Balkans de RSF, Pavol Szalai. Ces attaques sont d’autant plus condamnables qu’elles se produisent dans une période préélectorale où les citoyens ont besoin d’informations fiables pour faire leur choix.”
Après une chute de 3 positions en 2020, la Pologne détient actuellement la 62ème place au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.